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la participation de l’Europe est une condition obligatoire ; aucune limite autre que celle qui dérive de la suzeraineté de la Porte n’est imposée à l’expression des vœux des populations. — Dès l’été dernier, le cabinet turc, mû sans doute par la pensée d’exécuter le traité le plus tôt possible, se hâtait d’élaborer le firman de convocation des divans et d’expédier des circulaires où il repoussait d’avance l’idée d’une réunion des principautés, interdisant même aux divans l’expression de tout vœu à ce sujet. La Turquie oubliait qu’elle n’était plus seule désormais, que cette question appartenait à l’Europe, et qu’il existait une commission instituée pour intervenir dans tous les actes relatifs aux provinces danubiennes. Ces tentatives provoquèrent de péremptoires protestations, sous le poids desquelles a fini par tomber Aali-Padha, le grand-vizir de cette époque. Il en est résulté un travail nouveau, qui est l’œuvre de la conférence récemment tenue à Constantinople.

On a aujourd’hui sous les yeux les deux firmans, l’ancien et le nouveau ; on peut voir en quoi ils diffèrent, juger les modifications qui ont été accomplies. Ces modifications ont un objet essentiel, c’est de mettre plus de vérité et de liberté dans la représentation publique au sein des divans. Il y avait sans doute des intentions excellentes, même avec des vues étroites, dans le travail primitif de la Porte. Seulement ces intentions se produisaient confusément et sans précision. Des abus traditionnels étaient en quelque sorte consacrés ; des questions graves étaient passées sous silence, et celle de l’union des principautés était pour ainsi dire évincée. La position respective des commissaires ottomans et des autres commissaires européens se trouvait assez inexactement définie. Les premières améliorations introduites dans le projet portent sur deux points principaux qui touchent à la représentation du clergé et des boyards. Le firman primitif, en donnant au métropolitain et aux évêques le droit de siéger dans le divan, et aux administrateurs des biens ecclésiastiques, ainsi qu’aux simples prêtres, le droit de choisir trois représentans, — ce firman, disons-nous, oubliait une distinction essentielle. Il y a dans la Moldavie et dans la Valachie deux classes de maisons religieuses : il y a les monastères dédiés aux saints lieux et à des fondations qui relèvent soit des patriarches grecs de Constantinople et de Jérusalem, soit du mont Athos, et il y a ce qu’on nomme les monastères non dédiés, appartenant en propre au clergé régulier de la Moldavie et de la Valachie. Ces derniers sont soumis à un impôt qui consiste dans la retenue d’une somme fixe sur leurs revenus. Les monastères dédiés jouissent d’une fortune considérable, qu’ils ont souvent employée à entretenir la propagande russe dans le reste de la Turquie, et ils sont exempts de toute contribution. Le trésor des principautés a toujours réclamé et réclame encore contre cette exemption ; il n’a rien obtenu. La contestation s’est prolongée jusqu’à ce moment ; elle devra être abordée et réglée dans les divans, et c’était un motif de plus de faire intervenir d’une façon spéciale les monastères dédiés, qui ont d’ailleurs assez d’administrateurs indigènes pour se faire représenter. La distinction des deux classes de maisons religieuses a donc été rétablie. Une autre difficulté consistait dans la représentation des simples prêtres : on se Pouvait placé entre l’obligation de laisser aux évêques le choix des délégués du bas clergé, ce qui n’eût conduit à rien, et la nécessité de mettre en mouvement, pour les élections, dix ou douze mille popes, ce qui devenait une complication. On a décidé alors