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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/947

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M. de Cayolle représente l’esprit de progrès et de philanthropie. Je rends pleine justice au but qu’il se propose. Il souhaite, il espère le bonheur de la société tout entière. Cependant je ne crois pas que son projet de conscription civile réunisse de nombreux partisans. En admettant avec les moralistes que l’oisiveté soit mère de tous les vices, que le travail soit la source de toutes les pensées généreuses, on peut ranger parmi les rêves le programme de M. de Cayolle. Qu’il ait raison dans le domaine purement théorique, j’y consens ; qu’on arrive à établir la conscription civile aussi régulièrement que la conscription militaire, j’ai grand’peine à le croire. La société se porterait-elle mieux, si les oisifs enrichis par le hasard de la naissance fournissaient des remplaçans pour l’agriculture, pour l’industrie ? Les âmes les plus candides peuvent mettre en doute l’efficacité d’un tel remède, et ceux qui ont appris par la pratique de la vie ce que valent les théories absolues dans le gouvernement des sociétés ne s’en tiendront pas à la raillerie. D’ailleurs, si les oisifs étaient obligés de fournir des remplaçans pour l’agriculture et l’industrie, pourquoi les professions libérales seraient-elles traitées moins généreusement ? Pourquoi la magistrature ? le barreau, la littérature, la peinture, la statuaire, ne s’adresseraient-elles pas à leur tour à la conscription civile ? Ou le projet de M. de Cayolle ne signifie rien, ou il doit pouvoir s’appliquer à toutes les professions dont se compose l’activité sociale ; l’agriculture et l’industrie n’épuisent pas les facultés humaines.

Mme Durieux nous offre un type finement observé. Mariée sans dot à un homme riche, elle s’est habituée à croire qu’elle n’avait plus le droit de penser, ou du moins de penser tout haut. Elle confond sa condition avec celle d’une femme de charge. Elle administre son ménage sans s’attribuer aucun pouvoir, aucune autorité, et quand son mari dans un jour d’embarras lui demande conseil, elle se trouve désorientée, son intelligence hésite, sa langue balbutie. Elle ne sait plus ni penser, ni parler. Bien des femmes qui se disaient heureuses en signant leur contrat se reconnaîtront dans le portrait de Mme Durieux.

Mlle Élisa de Roncourt, fière et digne dans sa pauvreté, n’est pas aussi heureusement dessinée que le personnage dont je viens de parler. Elle a aimé une fois en sa vie, et son espérance a été trompée. Tout entière à ses souvenirs, on a peine à comprendre qu’elle accepte un riche mariage après avoir porté sa pauvreté avec tant de courage. Espère-t-elle adoucir la vieillesse de son père en donnant sa main à un homme qu’elle n’aime pas ? Son père, à qui elle doit sa détresse, ne peut lui imposer un tel sacrifice. La générosité de ses sentimens la prémunit contre les offres périlleuses de Giraud. Le luxe et l’opulence n’ont pour elle aucun attrait, et sa résignation ressemble trop à un coup de tête.

Mathilde Durieux est une espiègle charmante, pleine de grâce, de coquetterie et de bon sens. Ce n’est pas une fille passionnée, mais une fille capable d’aimer, et que tout le monde aimerait ; spirituelle et maligne, elle réjouirait les plus moroses, et si elle ne parlait pas des terrains de la Sologne comme un élève de l’École destines, elle ne soulèverait aucune objection. Malgré ce péché véniel, c’est une des créations les plus ingénieuses et les plus vraies de M. Dumas.

Quant à la comtesse Savelli, qui possède des villas aux quatre coins de