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c’était une vraie conquête de la Germanie, accomplie par sa seule présence, « Il a fallu aux Drusus et aux Germanicus, disaient-ils, de longues années de combat pour dompter les Germains ; Stilicon n’a eu besoin que de paraître. Il se montre, et déjà le Rhin ne sépare plus deux terres ennemies ; le voyageur indécis demande, en parcourant ses bords, quelle est la rive romaine. »

Sans doute la personne même de Stilicon était pour beaucoup dans l’accueil qu’on lui faisait. Le nom justement célèbre de l’ami de Théodose, du tuteur d’Honorius, du Vandale, vice-empereur de Rome, avait dû piquer vivement la curiosité des Germains, et ainsi s’expliquait leur empressement à le voir ; mais l’ardeur qu’ils montraient à confirmer leurs anciennes capitulations et à se lier plus étroitement avec l’empire tenait à des causes plus sérieuses, plus profondes, une situation particulière de la Germanie dans les dernières années du IVe siècle. L’arrivée des Huns à l’ouest des Palus-Méotides et leurs progrès, incessans vers le Danube mettaient en émoi depuis vingt-cinq ans tout le nord de l’Europe. Des races slave et gothique, les premières frappées dans les contrées voisines de la Mer-Noire, l’inquiétude et le trouble avaient gagné de proche en proche jusqu’aux peuples germains les plus reculés vers l’Océan. L’instinct barbare leur faisait reconnaître dans ces nomades irrésistibles, devant qui les Visigoths avaient fui comme un troupeau de daims, et que les fiers Ostrogoths reconnaissaient pour maîtres, les futurs dominateurs de la barbarie. Sous l’impression vague de ces terreurs, la Germanie occidentale se préparait à une lutte dont l’époque ne semblait pas bien éloignée. Les peuples se groupaient par masses suivant leurs intérêts ou leurs affections ; ou refaisait ou défaisait les anciennes alliances, ou en contractait de nouvelles ; ce fut alors que l’intérêt, sinon l’affection, porta les Alamans et les Franks à se ranger du côté de l’empire. Comme aux annonces d’un grand cataclysme de la nature on voit les animaux les plus sauvages, chassés de leurs forêts par la peur, se rapprocher de l’homme, et chercher protection jusque dans les villes, ainsi ces peuples farouches venaient s’appuyer à ce corps organisé des nations romaines qu’ils avaient si souvent tenté de détruire. La suite prouva bien que leur désir d’alliance, était sincère et médité. Deux frères, rois ou princes des Franks, Marcomir et Sunnon, ayant voulu rompre la paix jurée avec l’empire et agiter leurs tribus, les Franks se chargèrent eux-mêmes de les châtier. L’un d’eux, livré aux gouverneurs romains de la frontière, fut retenu quelque temps eh prison, puis relégué en Étrurie, où il mourut ; l’autre essaya, de venger l’injure de son frère, mais sans succès, et périt par la main des siens.

Cependant les Huns, dans leur extension progressive vers le midi,