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et se promit d’être pour tout de bon empereur et maître. Le plus pressé était d’enlever les soldats à l’oisiveté qui perpétuait leur indiscipline et de les empêcher de trop réfléchir à ce qu’ils venaient de faire ; Constantin le comprit, et il signifia à l’armée son prochain départ pour la Gaule, d’où il fallait, disait-il, chasser au plus tôt les Barbares.

Ce début, qui dénotait de la hardiesse et du patriotisme, ferma la bouche aux plus malveillans. On se mit sans retard aux préparatifs de l’expédition : l’armée fut partagée en deux corps, sous le commandement de deux officiers de mérite, Justinus et Néviogaste, celui-là romain, l’autre frank. Lui-même choisit ou plutôt on lui donna pour conseiller et tuteur un Breton nommé Gérontius, qui avait acquis une certaine importance durant les troubles. C’était un homme d’humeur ombrageuse et violente, plein de son propre mérite et capable de tout quand sa vanité était blessée, mais expérimenté à la guerre, et dans lequel les événemens révélèrent le génie d’un vrai général. Soit qu’il eût manqué de décision pour s’emparer du pouvoir au moment favorable, soit plutôt que sa rudesse et sa sévérité lui eussent aliéné le cœur du soldat, Gérontius n’était pas empereur de droit, mais il crut bien l’être de fait quand il se vit le directeur ou le surveillant de ce ridicule césar auquel il n’accordait que du mépris. Lorsque tout se trouva prêt pour l’entrée en campagne, la flotte appareilla, et Constantin alla débarquer à Gessoriacum, dans le même port où le fils de Constance, en l’année 306, avait pris terre avec les légions de Bretagne.

L’armée dut bientôt reconnaître qu’au fond son choix n’était pas aussi mauvais qu’elle avait peut-être pensé le faire. Sans être assurément un homme de génie, Constantin ne manquait pas d’intelligence ; doué de fermeté et de finesse, il sut déconcerter les prétentions insolentes des hommes qui voulaient le traiter en soldat grossier et ignorant, tandis qu’il gagnait l’affection de ses anciens camarades par une affabilité qui n&manquait point de grandeur. De Gessoriacum, où il plaça son quartier-général, ses émissaires se répandirent dans tout le nord des Gaules ; il entra en relation d’un côté avec les décurions des villes et avec les garnisons romaines qui s’étaient maintenues sur divers points des provinces du nord, de l’autre avec les Alamans et les Franks. Justinus lui servait de lien avec les Romains, Néviogaste avec les Barbares. Toutes ses négociations réussirent. Les villes lui ouvraient leurs portes, les campagnes lui fournissaient des recrues, les garnisons romaines s’entendaient avec lui pour balayer la zone du Rhin des brigands qui l’infestaient ; enfin les Franks et les Alamans déposèrent les armes. De sages mesurés achevèrent la pacification de ces provinces si cruellement déchirées depuis bientôt un an ; il fit alliance avec les Burgondes, qui entrèrent dans la fédération