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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/129

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Les Barbares effrayés demandèrent la paix. On reprocha plus tard à Constantin de ne les avoir pas forcés dans leurs derniers retranchemens, où il eût pu les exterminer ; mais il craignit, avec raison sans doute, de pousser à bout, des peuples si féroces et de leur rendre par le désespoir le courage qu’ils avaient perdu. Il leur accorda donc ce qu’ils demandaient, la paix et des terres, et leur assigna pour cantonnement le territoire où il les avait acculés, leur imposant en retour la loi ordinaire des fédérés, savoir : l’obligation de rester dans leurs limites, de n’avoir d’amis que ses amis, d’ennemis que ses ennemis, de lui fournir des contingens auxiliaires, et de ne causer aucun trouble aux villes ni aux campagnes des Gallo-Romains. La convention fut jurée de part et d’autre, et la horde mit bas les armes. Elle avait été d’ailleurs menée si rudement, le nom de Constantin lui inspirait un tel respect, qu’elle le fit sans arrière-pensée. Quant à lui, après avoir mené à bonne fin la guerre barbare, il crut pouvoir songer à la guerre civile et se prémunir contre une nouvelle attaque d’Honorius. Il envoya des troupes dans les Alpes, fit occuper les passages et réparer les forts qui tombaient en ruine ; des travaux pareils, effectués sur la ligne du Rhin, complétèrent la défense des Gaules. Ainsi garanti contre les menaces du dehors et salué par les bénédictions du dedans, le nouveau pouvoir sembla dès-lors inébranlable.

Tout réussissait comme par enchantement à ce favori de la fortune, ce soldat d’hier qui tenait aujourd’hui sous sa main la Bretagne et la Gaule ; toutefois il lui manquait l’Espagne pour être l’égal des césars transalpins, ses prédécesseurs légitimes ou tyrans, Postume, Maximien Hercule, Constance Chlore et le grand Constantin lui-même à son début. Or cette infériorité lui pesait, et il ne rêva bientôt plus que la conquête de l’Espagne. Son ambition en cela se trouvait d’accord avec l’intérêt politique des partis qui voulaient l’indépendance de la Gaulé, et de plus avec l’orgueil gaulois, car la Gaule, centre et métropole de l’extrême Occident, regardait la péninsule ibérique comme une de ses dépendances naturelles. L’empire gaulois n’était complet qu’avec ses deux appendices, la Bretagne et l’Espagne, et comme pour le créer fort et durable, il fallait le créer complet, les amis de l’indépendance gauloise opinaient dans la circonstance pour qu’on fît sans délai la guerre à l’Espagne. L’intérêt politique disait la même chose. Il était dangereux en effet, quand on avait tout à redouter de l’Italie, de garder à sa porte une province romaine, théodosienne passionnée, qui était déjà un foyer d’intrigues et de complots contre l’ordre politique reconnu par la Bretagne et la Gaule. Deux armées romaines, descendant au même instant des Pyrénées et des Alpes, pourraient mettre fort mal à l’aise l’empire gaulois et son empereur.