éclata trop souvent, même entre des empereurs unanimes, il les prémunit du moins contre l’état de guerre permanent et la création de nouvelles sociétés politiques, qui eussent été la conséquence inévitable du morcellement. La société romaine y trouva une sauvegarde plus encore que le territoire romain. Il se présenta cependant des circonstances assez fréquentes, surtout au déclin de l’empire, où certaines provinces, ayant plus d’intérêt à l’isolement qu’à l’union, soit parce que le gouvernement central était faible, soit parce qu’il était oppressif, se donnèrent des empereurs particuliers. Dans ce cas, elles préféraient d’ordinaire les tyrans aux princes légitimes, parce que l’unanimité ramenait tôt ou tard les provinces séparées sous l’ascendant de Rome, si elles étaient situées en Occident, sous celui de Constantinople, si elles appartenaient à l’Orient. Chaque fois qu’une scission s’opérait dans l’empire, cette question vitale était agitée : elle le fut souvent en Gaule, et presque toujours elle y aboutit à l’établissement de tyrannies, c’est-à-dire à la complète séparation. Dans cette occurrence, la Gaule commençait par associer à son mouvement l’île de Bretagne et l’Espagne, ses appendices, puis elle s’organisait un gouvernement à la manière romaine et suivant les lois romaines, car nul ne songeait à abdiquer ce beau titre de Romain, l’opposé de Barbare et le synonyme de civilisé. Plusieurs de ces empereurs gaulois, qualifiés de tyrans en Italie, furent de grands princes, justes et sages au dedans, redoutés au dehors. Il existait donc en Gaule un parti dont les tendances étaient pour la rupture de l’unité politique sans aller jusqu’à celle de l’unité sociale. Tant que les empereurs d’Occident avaient résidé à Trêves, ce parti, n’ayant plus de raison d’être, s’était dissous, ou ne s’était montré que par sa persistance à vouloir imposer à tout l’empire d’Occident des choix faits en Gaule et en Bretagne ; mais lorsque Théodose eut ramené en Italie le siège du gouvernement occidental, le parti de la séparation se releva plus ardent, plus exclusif que jamais. Il embrassa de prime abord la cause du tyran Constantin, il travailla à son succès, il se rallia à son gouvernement, il vit dans ce soldat favorisé de la fortune un instrument pour son propre triomphe, et, ainsi que je l’ai dit, tout nous fait supposer que le maître des offices, Decimus Rusticus, était un des chefs de ce parti.
Mais si les provinces se trouvaient quelquefois appelées par leur intérêt à se donner un tyran plutôt qu’un prince légitime, ce n’était pas le compte des tyrans eux-mêmes, à qui ce titre bâtard pesait, et qui n’avaient rien de plus à cœur que d’obtenir l’unanimité dès que leur puissance paraissait bien établie. Cette fantaisie avait passé par la tête du soldat gaulois, dont l’ambition croissait en proportion de sa fortune. Maître de la Bretagne, il avait désiré la Gaule ; maître