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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/164

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je n’en ai pas besoin. Je me bornerai donc à exprimer une conviction bien entière, et que mes recherches de naturaliste et d’ethnologiste fortifient chaque jour. — Oui, tous les hommes appartiennent à une seule et même espèce. Entre les populations les plus éloignées en apparence, il n’y a que des différences toujours moins grandes que celles dont les animaux domestiques nous offrent de si nombreux et si frappans exemples ; de l’Européen au nègre du Congo, de la peau-rouge à l’Australien, il n’existe que des différences de race. À ce titre, tous les hommes sont frères, ou pour mieux dire cousins plus ou moins éloignés.

Que le lecteur se reporte par la pensée à ces expositions si riches en enseignemens de toute nature, qu’il se rappelle ce que sont nos chiens de rue et nos chiens de chasse, qu’il songe à la valeur relative de la rosse qui traîne nos chariots et du noble cheval arabe ou turcoman : il conclura de lui-même qu’entre les races animales dérivées d’une même espèce-il peut sans doute exister une égalité réelle, bien que les caractères physiques soient différens, mais que presque toujours il en est qui possèdent un cachet décidé de supériorité ou d’infériorité. Les fils issus de mêmes parens, et à plus forte raison les cousins au premier, au second, au dixième degré, nous présenteraient des faits tout pareils. Ce n’est donc pas être infidèle aux croyances énoncées plus haut que d’admettre l’inégalité des races humaines, que de regarder quelques-unes d’entre elles comme supérieures, d’autres comme inférieures, et de les échelonner en conséquence[1], Quelques philanthropes exagérés ont nié qu’il en pût être ainsi. Ils ont affirmé, l’égalité complète et actuelle du blanc et du noir, et accusé quiconque soutenait le contraire de favoriser l’esclavage[2]. Sans entrer dans un pareil débat, sans répéter ce que j’ai déjà établi dans ce recueil[3], je me bornerai à dire que, pour combattre une institution détestable, il ne me semble nullement nécessaire de dénaturer les faits et de nier l’évidence.

Les races inférieures et supérieures dérivées d’une même espèce peuvent-elles s’unir de manière à donner naissance à des faces nouvelles, à des races métisses ? En présence des faits universellement connus, il peut paraître étrange qu’une telle question soit posée. Pourtant elle l’a été, et, qui plus est, elle a été résolue négativement pour les animaux par quelques hommes d’un vrai mérite d’ailleurs,

  1. Je ne parle ici que d’une inégalité de fait et tout actuelle. On verra plus loin que j’admets au contraire et sans réserve l’égalité virtuelle. Ces croyances découlent du reste tout naturellement des définitions que je viens de donner et de leurs conséquences immédiates.
  2. Voyez le Bulletin de la Société d’ethnologie de Paris.
  3. Voyez La Floride, Revue des Deux Mondes, 1er mars 1843.