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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/202

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n’étaient point le dernier terme des projets de l’empereur grand-duc sur la noblesse toscane. L’habile jurisconsulte Pompeo Neri et le comte de Richecourt, l’un de ses meilleurs conseillers lorrains, nourrissaient des desseins plus élevés ; ils ne voulaient point abolir la noblesse, mais la régénérer, et lui donner une base morale conforme aux pressentimens nouveaux qui à cette époque fermentaient partout dans les consciences. Il ne sera point sans intérêt peut-être de nous arrêter sur ces plans, imparfaits sans doute dans l’exécution, mais dont la pensée était prévoyante, et qui s’essayaient obscurément dans un petit état de l’Italie. Aujourd’hui encore on se préoccupe en plusieurs régions de l’Europe des moyens d’arrêter la décomposition des castes anciennes, que l’on considère comme un lest nécessaire à la barque fragile de nos sociétés modernes, lancées dans une mer ténébreuse et inconnue. On parle des avantages suprêmes des substitutions, du droit d’aînesse, des privilèges ; on annonce des majorats, des duchés héréditaires, une nouvelle noblesse décrétée. En Prusse et dans d’autres contrées de l’Allemagne, les représentans de l’aristocratie de naissance demandaient récemment des lois pour conserver dans leurs familles les propriétés inaliénables, pour distinguer plus nettement leur corporation au milieu du grand corps national, pour leur attribuer des droits politiques exclusifs et des fonctions assurées, promettant en revanche l’influencé morale, l’exemple des hauts sentimens, et la puissance qu’impriment au gouvernement l’esprit de suite et la politique de tradition. Ces réclamations ont reçu un accueil qui laisse peu d’espérances de succès. En Toscane, il y a cent ans, on essayait des idées plus vraies, et qui, adoptées et perfectionnées dans les grands états de l’Europe, auraient peut-être, en rajeunissant et en transformant l’esprit aristocratique introduit avec moins de secousses l’ordre nouveau qui demandait sa place.

Le peuple florentin avait, nous l’avons déjà dit, déclaré, pendant l’époque républicaine, de rudes guerres à la noblesse féodale. Il l’avait humiliée, en partie détruite ; il là forçait à entrer dans ses corporations de métiers. On dirait de loin une furie égalitaire qui brandit son niveau de fer sur toutes les têtes. De près et en détail, il n’en est rien. Le peuple de Florence, abandonné à lui-même, avait comme tous les peuples l’instinct aristocratique ; il allait de lui-même à toute supériorité. Presque toutes ses révolutions sont conduites ou inspirées par les grandes familles. En lisant Machiavel, d’ailleurs assez superficiel à cet égard, on croirait parfois qu’il n’y a réellement que des questions de famille, depuis les Buodelmonti et les Uberti du XIIIe siècle jusqu’aux Albizzi, Alberti et Medici du XVe. Le peuple reporte facilement sur les enfans d’un homme illustre l’espérance