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à ses habitudes de recueillement et à rentrer dans la vie active, non dans un intérêt personnel, mais pour soutenir des intérêts qui ne trouvaient alors que de rares défenseurs. On sait la triste condition qu’avait faite aux arts en particulier et aux artistes la révolution de 1848. Qui ne se rappelle aussi l’affligeant spectacle que donnèrent coup sur coup un salon où l’on avait admis sans contrôle toutes les toiles présentées et certaine exposition au Palais des Beaux-Arts des résultats du concours pour la figure officielle de la République ? Quelques mois encore d’un pareil régime, et l’école française s’abîmait dans la confusion. L’un des premiers, et plus activement que personne, M. Delaroche entreprit de lutter contre le débordement d’idées fausses, de rancunes ou de convoitises qui menaçait de tout envahir. Assemblées de peintres réunis sous sa présidence, commissions instituées pour réglementer les expositions et le reste, démarches même auprès d’hommes dont il était bien loin de partager les opinions, et qu’il conseillait sans vouloir les servir, rien ne lui parut en dehors du rôle dont il s’était chargé ; rien ne put décourager ni son dévouement à la cause de l’art, ni sa résistance aux étranges utopies qui essayaient alors de faire fortune. Quelques lignes d’une lettre écrite par lui au plus fort de la lutte montreront comment il comprenait ses devoirs, et avec quelle résignation douloureuse il acceptait la situation que les événemens lui avaient imposée. « L’art, écrivait-il en 1848, est perdu pour longtemps en France, et si le gouvernement actuel m’offrait des travaux, je suis dans une position à les refuser, par sympathie pour les misères de mes camarades. Si j’avais l’âme moins inquiète, si j’étais capable de m’absorber au milieu de ces émotions révolutionnaires, si enfin j’entrevoyais la possibilité de produire… Mais vous me connaissez, mon ami, et vous savez depuis longtemps avec quelle ardeur j’accepte tout ce qui peut briser le cœur. Trouverai-je assez d’indifférence aujourd’hui pour travailler avec fruit ? Depuis bientôt trois ans j’ai beaucoup souffert, et ma douleur n’a pas augmenté mon énergie. Cependant il faut agir… » Et M. Delaroche agissait avec d’autant plus de zèle, que le nombre et les souffrances de ceux qui comptaient sur lui s’accroissaient de jour en jour. Les choses même en arrivèrent à ce point que, sans discontinuer ses efforts pour défendre les intérêts qui lui étaient confiés, il dut songer à se préparer des ressources pour lui-même aussitôt que le sort de ses confrères lui paraîtrait moins ouvertement compromis. « Je ne veux pas me soustraire aux devoirs qui résultent aujourd’hui de ma position, écrivait-il dans une lettre qui suivit d’assez près celle que nous avons citée ; mais si je continue à habiter Paris, il me sera impossible de travailler, accablé comme je le serai de commissions, de sollicitations et de démarches à faire pour tous mes camarades et mes élèves. Quel parti prendre ? Et cependant