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Notre âme est assez déchirée,
Des cœurs qu’il brise encore ôtez le noir chagrin.
Et vous, divin semeur, parcourez la contrée ;
La terre est assez labourée,
Versez, versez à flots les germes du bon grain.

Prêtez au sillon la semence,
Donnez aux morts chéris leur gîte hospitalier.
La vie est là qui recommence.
Ce champ pour une graine en rapporte un millier.
L’hiver, tout va dormir sous un linceul immense ;
Prêtez au sillon la semence,
Le printemps du Seigneur viendra tout réveiller.


A LA TERRE


Tu permets au travail de presser ta mamelle,
Patiente nourrice, et depuis six mille ans
Tu gardes à tes fils ta richesse éternelle,
Tu livres sans compter les trésors de tes flancs.

Tes bois nous sont ouverts, ta plus belle parure !
Nous fouillons dans tes os de marbre et de métal.
Aux besoins du réel tu donnes sans mesure,…
Mais tu portes aussi ta moisson d’idéal !

Tes saisons pour notre âme ont d’indicibles charmes,
Je les admire en toi,… mais ils viennent d’ailleurs !
S’ils font naître si bien le sourire ou les larmes,
C’est qu’ils ouvrent nos yeux à des mondes meilleurs.

Sois soumise au travail, ô terre, et sois bénie !
Donne à flots tes épis au pain de tous les jours ;
Mais conserve tes bois, sources de l’harmonie,
Et garde aussi tes fleurs, dont vivent les amours.

Par les vertus des morts qu’à tes champs nous donnâmes,
Fais grandir la beauté, la sagesse en tout lieu ;
Tu dois nourrir les fruits et les fleurs pour les âmes,
Et les âmes pour Dieu.


VICTOR DE LAPRADE.