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l’Angleterre dans ces parages étaient de nature à justifier ses soupçons. Du reste, les négociations avec le Japon ayant abouti à un traité, le drapeau des États-Unis cessa de flotter sur Liou-tchou.

Cette île ne fut pas le seul point où le commodore songea à préparer un lieu de relâche et de ravitaillement à l’usage des bâtimens américains qui sillonnent en si grand nombre ces régions de l’Océan-Pacifique. Déjà, avant sa première apparition au Japon, il avait visité l’archipel Bonin, situé au sud-est du Japon, par les 26e et 27e degrés de latitude nord, et il avait fait à Port-Lloyd l’acquisition d’un terrain pour le cas où les États-Unis voudraient y créer plus tard un établissement maritime. En septembre 1853, il y expédia de nouveau un de ses navires, le Plymouth, commandé par le capitaine Kelly, qui prit officiellement possession, au nom des États-Unis, d’un groupe d’îles situé à peu de distance au sud des Bonin, et connu jusqu’alors sous le nom d’îles Baily. Le capitaine Kelly donna à ces îles le nom de Coffin, en souvenir d’un capitaine américain qui les aurait découvertes en 1823. Les mers du Japon sont ainsi peuplées d’un grand nombre d’îles plus ou moins désertes, qui ont reçu plusieurs baptêmes ; les officiers anglais, américains, russes, français même, se font tour à tour les parrains de ces malheureux coins de terre qu’ils s’empressent d’inscrire sur leurs cartes comme autant de découvertes destinées à perpétuer leurs noms ou ceux de leurs navires. Ce n’est point là précisément le moyen de rendre la géographie plus claire, et il serait en vérité fort désirable que les nations maritimes s’entendissent pour mettre un terme à cette confusion des langues, — La visite des Américains à l’archipel Bonin, et particulièrement l’achat d’un terrain à Port-Lloyd, éveillèrent la susceptibilité du gouvernement anglais, qui crut y voir une tentative d’établissement définitif et une atteinte à ses droits, attendu qu’il se prétendait fondé à revendiquer l’archipel comme appartenant à la couronne britannique. Il est probable que les archives de l’amirauté sont remplies de procès-verbaux constatant que toutes les terres, toutes les îles, connues ou inconnues, ont été visitées un certain jour par quelque officier de la marine anglaise, qui y a planté un drapeau et prononcé la formule sacramentelle de prise de possession. Ces procès-verbaux dorment dans la poussière des cartons, tant que l’Angleterre ne croit pas avoir intérêt à user, des droits d’occupation qu’ils lui confèrent ; mais ils apparaissent tout d’un coup sitôt qu’il s’agit d’écarter une prétention rivale. Il ne nous semble donc pas surprenant que le gouverneur de Hong-Kong, sir George Bonham, se soit avisé, conformément aux instructions reçues de lord Clarendon, d’interpeller le commodore Perry sur le caractère de l’acquisition faite à Port-Lloyd pour le compte des États-Unis.