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polie, du commodore n’était qu’une amère dérision. Les commissaires impériaux, à la suite de leur entrevue avec le capitaine Adams, répliquèrent par une note qui reproduisait purement et simplement leurs premières propositions. Le commodore tint bon, et enfin, après plus de quinze jours de lutte, il fut convenu que les négociations auraient lieu dans un village (Yoku-hama) situé en face du mouillage de l’escadre. Les conférences devaient s’ouvrir le 8 mars ; les Japonais se mirent donc à l’œuvre pour construire un pavillon destiné à recevoir le commodore. À en juger par la vivacité de cette première escarmouche, dans laquelle les autorités japonaises déployèrent, vainement il est vrai, tous leurs talens pour la temporisation et l’objection, le négociateur américain dut s’attendre à de longs et difficiles débats sur les propositions qu’il avait à cœur de faire triompher ; mais il avait apprécié le caractère de ses antagonistes : il savait par expérience qu’il n’était point dans les habitudes du cabinet de Yédo de pousser la résistance jusqu’à la lutte ouverte ; il était donc résolu à s’armer, lui aussi, de patience et d’obstination.

Le 8 mars, vers onze heures et demie du matin, vingt-sept canots, se détachant des navires de l’escadre, emportèrent cinq cents hommes, matelots et soldats de marine, qui se rangèrent en ligne sur le rivage en attendant le commodore. Celui-ci parut bientôt accompagné de son état-major, passa, au son des fanfares, entre la double haie que formaient ses troupes, puis, prenant la tête de la colonne, se dirigea vers le pavillon, où il fut accueilli par un grand nombre d’officiers et de fonctionnaires japonais qui l’introduisirent dans une vaste salle, à peu près semblable à celle qui avait été disposée à Gorihama pour la remise de la lettre du président. Au moment où il faisait son entrée, un salut de vingt et un coups de canon pour l’empereur et un second salut de dix-sept coups pour le plénipotentiaire Hayaschi furent tirés par les chaloupes, sur lesquelles on avait placé des obusiers. Le commodore avait voulu, comme à Gorihama, donner à cette cérémonie toute pacifique l’appareil imposant et bruyant d’une fête guerrière. Les troupes japonaises étaient peu nombreuses ; mais les habitans des villes voisines se pressaient autour de l’espace réservé, et manifestaient le plus vif désir d’assister à cette solennité, dont le commodore avait préparé avec tant de luxe la mise en scène. La curiosité de ces populations ne trahissait aucun sentiment de malveillance ; c’était une curiosité de bon aloi, sans arrière-pensée de crainte ni de menace, et les Américains, en défilant sous les yeux de cette foule que les injonctions répétées de la police indigène avaient quelque peine à maintenir dans l’ordre, n’eurent qu’à se féliciter de l’effet produit par la représentation extraordinaire que pour la seconde fois ils donnaient au peuple japonais.