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jugeait convenable. Seulement, les extra devaient être prescrits dès la veille. Dans les magasins d’approvisionnemens de ces ambulances, j’ai vu même du vin de Champagne. On s’en servait pour arrêter certains vomissemens.

Les ambulances sardes ressemblaient beaucoup à nos établissemens hospitaliers ; la plupart de nos règlemens y étaient adoptés. Le service médical des Sardes est, comme le nôtre, placé sous l’autorité de l’intendance militaire ; il ne fonctionne pas, comme chez les Anglais, par sa propre initiative. Le savant médecin en chef, M. Comizetti, était bien secondé par des praticiens sages et expérimentés. Les ambulances étaient situées sur les hauts plateaux de Kamara, au-dessus du cap de Balaclava. Chacune se composait de 42 belles baraques d’une capacité moyenne de 36 lits, planchéiées et proprement tenues. Les lits étaient formés de deux chevalets en bois supportant trois planches, un matelas, un oreiller, une paire de draps et deux couvertures. Les officiers avaient de plus une paillasse, une table de nuit et une descente de lit. Les infirmeries, régimentaires étaient installées sur le modèle des nôtres. En tout, on comptait 1,600 lits, nombre élevé pour une armée de 15 à 18,000 hommes. Jamais plus de 1,200 lits n’ont été occupés. L’armée piémontaise a été fort éprouvée par le scorbut ; mais le typhus ne l’a atteinte que légèrement. Dans chaque section, une sœur de charité présidait à la distribution des alimens et des médicamens, surveillait les soins donnés aux malades, et dirigeait les infirmiers. À la cuisine, à la dépense, à la pharmacie, à la lingerie, à la buanderie, partout on trouvait une sœur intelligente et dévouée. Chaque jour, des sœurs allaient, au marché de Balaclava faire des achats et des approvisionnemens. Leur ingénieuse charité avait doté les ambulances d’un poulailler de cinq cents poules que nourrissaient les débris de la table. Le traitement annuel de ces sœurs était de 500 francs ; elles recevaient en outre deux rations journalières de vivres de campagne. Elles remplissaient à peu près les fonctions de nos infirmiers-majors. Les médecins sardes étaient encore assistés de soldats exercés à la phlébotomie, chargés des écritures et des cahiers de visite. À chaque ambulance était attaché un habile remouleur. C’est là aussi une excellente mesure, qu’il serait bon d’emprunter.

J’ai visité l’ambulance russe de la Belbec ; elle était bien installée et pourvue d’un bon mobilier. Les lits étaient à deux places, avec matelas, draps et couvertures distincts. On économisait ainsi l’espace ; il n’est pas sans danger pourtant d’accoupler les malades. Il y a un demi-siècle qu’en France on a renoncé à ce système anti-hygiénique. Les baraques, disposées pour 120 places sur quatre rangs de lits, étaient bien tenues ; mais on négligeait le renouvellement de