Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/666

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les pouvoirs faibles et menacés sont persécuteurs. L’église luthérienne suédoise ne s’est que trop engagée dans la voie des persécutions depuis cinq ans. L’article 16 de la constitution du royaume reconnaît à chacun le droit de professer la religion de sa conscience. Malgré cette disposition fondamentale, que la subtilité des légistes a su tourner au profit de l’église d’état, les lois pénales ont détruit toute liberté de conscience chez un peuple qui s’est jadis acquis une si juste gloire en défendant cette noble cause. Rien de plus odieux que la loi votée il y a trois ans par les états du royaume et revêtue de la sanction royale. En vertu de cette loi, tout laïque qui distribue la sainte cène, comme tout luthérien qui la reçoit de sa main, doit être puni : il a commis un sacrilège. Si un tel délit a été commis le dimanche, il se complique d’un autre délit, « la violation du sabbat. » De plus, aucun luthérien ne pouvant, à moins d’être passible d’une amende, participer à la sainte cène sans avoir reçu « l’absolution » officielle, quiconque se rend coupable des délits qu’on vient d’énumérer en commet ainsi un troisième.

Qu’on nous permette de placer ici quelques extraits choisis dans les tableaux officiels publiés par les cours d’assises des provinces du nord de la Suède, où la persécution s’est donné si largement carrière depuis quelque temps.


« Gudman Jonas Jonsson, paysan de la commune d’Orsa, est condamné, le 9 novembre 1852, à quinze jours de prison, au pain et à l’eau, et à demander publiquement pardon au pasteur, le tout pour avoir interrompu celui-ci pendant qu’il expliquait des passages de la Bible.

« Dorlofva Eric Ersson, valet de paysan de la commune d’Orsa et pasteur dissident, est condamné le même jour à vingt-huit jours de prison, au pain et à l’eau, et à être publiquement exposé devant la paroisse assemblée, pour avoir communié sans avoir reçu l’absolution et troublé le service divin en interrompant le pasteur. Il n’avait pu payer une amende de 116 fr. environ.

« Anna Persdotter, paysanne, de la commune d’Orsa, est condamnée le même jour à vingt-trois jours de prison, au pain et à l’eau, et à être publiquement exposée devant la paroisse réunie, pour avoir communié sans avoir reçu l’absolution, et pour avoir troublé le service divin en interrompant le pasteur. Elle ne pouvait payer une amende de 66 francs environ.

« Vingt-huit personnes, accusées d’avoir abusé du sacrement et violé le sabbat, sont condamnées à une amende de 40 francs chacune.

« Deux personnes, accusées d’avoir pris part à des réunions religieuses, sont condamnées à une amende de 133 francs chacune.

« Deux personnes, accusées d’avoir abusé de la Bible, sont condamnées à une amende de 33 francs chacune. Elles seront en outre exposées dans le temple, devant la communauté réunie, pour être réintégrées dans l’église moyennant participation officielle à la sainte cène[1]. »

  1. Cette punition ecclésiastique, à laquelle on soumettait les forçats libérés, qu’on amenait, nous l’avons dit, à l’église entre deux gendarmes, a été récemment abolie.