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suites de ce succès de scrutin, dans l’affermissement de cette victoire, dans l’attitude que prendront toutes ces fractions de l’opinion conservatrice, qui dans le demi-jour des candidatures se montrent maintenant sous un drapeau unique et sous une même couleur. La facilité du succès ne serait qu’un piège de plus et le commencement d’une autre catastrophe, si toutes les anciennes divisions du parti modéré éclataient encore dans cette situation nouvelle, reconquise d’une façon si imprévue, et peut-être ne serait-il point inutile que le parti progressiste eût ses représentons dans le prochain congrès, ne fût-ce que pour contraindre les conservateurs à l’unité d’action et à la discipline.

La lutte électorale, bien autrement importante en Angleterre, est aussi plus bruyante et plus vive au-delà du détroit, par cela même que les mœurs publiques supportent mieux une certaine agitation, devenue sans péril par suite d’un long usage de la liberté. En Angleterre, on le sait, les masses se rassemblent, les partis se querellent, les influences luttent corps à corps, le pugilat même s’en mêle parfois, et les hommes sortent quelque peu meurtris du combat ; puis tout rentre dans l’ordre, afin de mieux laisser la Grande-Bretagne poursuivre victorieusement le cours de ses destinées. On ne peut nier que cette fois les élections ne se soient engagées avec feu. Dès qu’il a été certain que le parlement allait être dissous, les chefs des partis ont commencé à publier leurs manifestes accusateurs contre le gouvernement, ou ont comparu dans les réunions populaires. Les journaux n’ont pas manqué d’aiguiser leurs armes les plus dangereuses, de se livrer aux divulgations les plus compromettantes, et dans le nombre on peut compter assurément celles qui ont rapport à la politique suivie par le cabinet en Italie. Lord Palmerston ne s’est point trop hâté, il a laissé passer le feu, et au dernier moment il a lancé à son tour son manifeste, accablant de sarcasmes l’opposition, parlant des coalitions immorales formées contre lui, et démontrant avec une merveilleuse assurance comment ceux qui avaient été ses adversaires dans les affaires de Chine voulaient tout simplement que l’Angleterre allât offrir une réparation aux Chinois et au commissaire Yeh. Le procédé n’était peut-être pas de trop bonne guerre, et il a provoqué de vives réclamations ; mais comme dans la pensée du premier lord de la trésorerie le manifeste aux électeurs de Tiverton n’était point évidemment un document d’histoire, il a suffi qu’il pût produire quelque effet au moment voulu. Un des incidens les plus curieux de cette lutte, c’est à coup sûr l’histoire de lord John Russell. Au premier instant, la popularité de l’ancien plénipotentiaire aux conférences de Vienne paraissait fort compromise dans la Cité de Londres, dont il était le représentant. Une association libérale faisait des motions pour le remercier poliment et reconduire de la représentation de la Cité, tandis que d’un autre côté on offrait la candidature à lord Palmerston. Lord John Russell lui-même semblait hésiter, lorsque tout à coup la scène a changé en sa faveur. Il a paru dans une réunion pour montrer qu’il était toujours le vieux John, c’est-à-dire un des plus grands seigneurs de l’Angleterre, un chef des whigs qu’on n’éconduisait pas d’une façon si leste. Il a facilement gagné sa cause, et il vient de retrouver sa place dans la représentation de la Cité, tandis que lord Palmerston, qui n’avait sans doute aucunement l’intention d’affronter une