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et un ministère affaibli, qui vient à peine de se reconstituer. Nous disons un ministère affaibli, et il faudrait savoir s’il a jamais été fort. On sait comment était né, il y a un an, le cabinet présidé par le marquis de Loulé, et composa de MM. Sa da Bandeira, José George de Loureiro, Julio Gomez Silva de Sanches. Il succédait au ministère du duc de Saldanha. Il ne s’était point formé pour inaugurer une politique nouvelle, puisqu’il se rattachait aux nuances progressistes modérées ; son rôle était plutôt de défendre pour ainsi dire la situation, de mettre une trêve à la lutte dont les projets économiques de l’ancien ministre des finances, M. Fontes Pereira de Mello, avaient été l’occasion. Comme tous ces pouvoirs intermédiaires et de circonstance qui succèdent à un ministère de longue durée, le cabinet du marquis de Loulé manquait nécessairement d’une certaine force propre. Il n’était ni assez libéral pour les progressistes ni assez conservateur pour les chartistes, et pour tout le monde il n’avait point assez de cet ascendant que l’ancien ministère devait principalement au nom du duc de Saldanha et à l’habileté du ministre de l’intérieur, M. Rodrigo Fonseca de Magalhâes. Le cabinet du marquis de Loulé, tant par sa composition que par les circonstances dans lesquelles il naissait, ne pouvait gouverner que par des expédiens. Sa grande et principale mission semblait être de tenir le pouvoir et de gérer les affaires en attendant le renouvellement de la chambre des députés par les élections générales qui étaient prochaines. Ces élections ont eu lieu en effet, et la session s’est ouverte au commencement de l’année sous ces nouveaux auspices. On aurait pu croire que les élections allaient avoir une influence décisive sur la marche de la politique en Portugal. Par malheur, rien n’était essentiellement changé. Le ministère avait eu tout juste le temps de montrer en quelques mois d’existence qu’il était peu à la hauteur de toutes les questions auxquelles se lie le développement du pays, et quant au parlement, il n’y avait dans son sein qu’une majorité assez mobile et très problématique au milieu de la diffusion extrême des opinions. La chambre nouvelle s’est trouvée divisée en une multitude de nuances dont la principale, sans être prédominante, se fût rattachée plutôt à l’ancien cabinet. Le parlement portugais, réunissait bien d’autres fractions : les libéraux avancés, les chartistes conservateurs, une certaine nuance distincte dont les chefs étaient des professeurs de l’université de Coïmbre. Le parti miguéliste lui-même est parvenu à faire élire ses représentans, qui ont voulu faire un petit éclat au début de la session, et qui se sont retirés après avoir vainement essayé de faire modifier l’a formule du serment. Dans de telles conditions, une majorité était certes fort difficile à fixer. Cette majorité se fût organisée peut-être à la condition d’une autorité ferme pour la discipliner et rallier les opinions.

La situation devenait d’autant plus épineuse pour le cabinet, que, manquant de cette autorité supérieure, il était encore affaibli par des attaques personnelles ou de détails, et il glissait dans l’impuissance. Le ministre de l’intérieur, M. Julio Gomez de Silva, était accusé d’avoir cherché à peser illégalement sur les élections. Le ministre des finances, M. George de Loureiro, avait à son tour sa petite mésaventure. Voulant trouver pour le Portugal un banquier à Paris, il mettait la main sur un de ces hommes d’affaires qui ont toujours toute sorte de projets de sociétés de crédit ou de chemins de fer au service de tous les états ; il faisait cela de son autorité privée, à ce qu’il pa-