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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/746

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le mausolée d’Adrien, où sa cendre a reposé auprès de celles d’Antonin le Pieux et de Marc-Aurèle !

Lampride nous a conservé le texte officiel de la requête adressée en cette occasion par le sénat à Pertinax. La rage de la lâcheté longtemps prosternée, enfin rassurée et triomphante, éclate dans ce singulier morceau. On pourrait citer bien d’autres exemples de ces indignes violences de la bassesse contre ce qu’elle avait adoré, car il y a toujours des hommes qui, en se vendant, n’entendent tenir le marché que tant qu’il sera avantageux, et pour qui l’infortune est un cas rédhibitoire. Voici ces injures honteuses pour ceux qui les prononcèrent, bien que méritées par celui à qui elles s’adressaient. La colère de la peur qui se révolte est prolixe, elle aime les redites, et les sénateurs romains, tout en saluant déjà l’empereur nouveau, tout en bénissant les prétoriens, ne se lassent point de répéter les mêmes malédictions sur l’empereur tombé, comme s’ils prenaient plaisir à frapper et à frapper encore un cadavre étendu à leurs pieds :


« Que les honneurs soient arrachés à l’ennemi de la patrie, que les honneurs soient arrachés au parricide, que le parricide soit traîné ! Que l’ennemi de la patrie, le parricide, le gladiateur soit déchiré dans le spoliaire, — l’ennemi des dieux, le bourreau du sénat, le parricide du sénat, l’ennemi du sénat ! Au spoliaire le gladiateur[1] ! Celui qui a égorgé le sénat, qu’il soit mis au spoliaire ! Celui qui a égorgé le sénat, qu’il soit traîné avec le croc ! Celui qui a égorgé les innocens, qu’il soit traîné avec le croc ! L’ennemi, le parricide, sur lui une sévérité juste ! Celui qui n’a pas épargné son propre sang, qu’il soit traîné avec le croc ! Celui qui t’aurait tué (à Pertinax), qu’il soit traîné avec le croc ! Tu as craint avec nous, tu as été en danger avec nous. O Jupiter très grand et très bon, pour que nous ne périssions pas, conserve-nous Pertinax ! Vivent les prétoriens ! vivent les cohortes prétoriennes ! Vivent les armées romaines ! Vive la piété du sénat ! Que le parricide soit traîné ! nous le demandons, Auguste, que le parricide soit traîné ! nous le demandons, que le parricide soit traîné ! Exauce-nous, César, aux lions les délateurs ; exauce-nous, César, aux lions Spératus[2] ! Vive la victoire du peuple romain ! Vive la fidélité des soldats ! Vive la fidélité des prétoriens ! vivent les cohortes prétoriennes ! Que partout les statues de l’ennemi, que partout les statues du parricide, que partout les statues du gladiateur, que partout les statues du parricide soient renversées ! L’égorgeur des citoyens, qu’il soit traîné ; le parricide des citoyens, qu’il soit traîné ! Que les statues du gladiateur soient renversées ! Toi sain et sauf, nous sommes sains et saufs. Vraiment, vraiment, aujourd’hui vraiment, aujourd’hui dignement, aujourd’hui vraiment, aujourd’hui librement, nous sommes en sûreté. La terreur aux délateurs ! Pour que nous soyons en sûreté, la terreur aux délateurs !

  1. Le spoliaire était le lieu où l’on portait les cadavres des gladiateurs et où on les achevait.
  2. Spératus était probablement un délateur fameux.