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On compta comme années de service les années passées dans l’inaction ; on fit même plus pour les officiers : on leur donna un grade supérieur à celui qu’ils occupaient. Le général O’Donnell a réconnu, dans une séance des cortès, qu’il avait nommé pour cause purement politique 58 brigadiers, 12 colonels, 17 lieutenans-colonels, 142 commandans, 238 capitaines, etc. On sait d’ailleurs qu’en Espagne une nomination à un grade supérieur n’implique pas une vacance, et non-seulement on peut continuer par exemple à exercer un emploi de lieutenant avec un brevet de capitaine, mais on voit encore des officiers obtenir, à titre de récompense, des grades supérieurs dans une autre arme que celle à laquelle ils appartiennent. Dans l’artillerie, où l’avancement ne peut être donné qu’à l’ancienneté, un lieutenant qui ne remplit point les conditions d’âge exigées pour une promotion dans son corps pourra devenir même chef d’escadron dans la cavalerie ou ailleurs, et il aura, dans tous les cas où son- service spécial d’artillerie né l’obligera pas à remplir ses devoirs de lieutenant, les prérogatives de sa nouvelle dignité de chef d’escadron, qui lui assureront en certaines circonstances le pas sur le capitaine d’artillerie, auquel il est d’ordinaire subordonné. Outre les inconvéniens d’une pareille manière de procéder au point de vue de la discipline militaire, ces avancemens intempestifs, ces réintégrations rétrospectives dans des emplois non exercés, les droits qui en résultent pour la retraite, sont peut-être une des causes de l’accroissement de ce qu’on appelle en Espagne les classes passives. L’allocation des sommes destinées à payer les pensions, les retraites, les indemnités des fonctionnaires hors d’emploi ou de leurs ayant-droit, s’élevait en 1854 à 162 millions de réaux ; en 1850, elle était déjà de 136. Il est vrai qu’à côté de cet article de dépenses on voit, comme compensation sans doute, figurer au budget annuel des recettes une somme assez notable provenant des retenues faites sur le traitement des fonctionnaires en exercice ! Cette retenue est depuis l’année dernière de 13 pour 100, et elle frappe les classes passives elles-mêmes. C’est reprendre d’une main ce qu’on a donné de l’autre.

Au milieu de ce désordre administratif et financier, comment s’étonnerait-on de l’accroissement incessant de la dette flottante, cette ressource ruineuse des mauvais gouvernemens ? En 1851, la dette flottante montait à 341 millions de réaux, en octobre 1853 à 516. On la voit atteindre le chiffre de 650 en juillet 1854 et sous le ministère de M. Madoz le maximum de 820 millions. Une consolidation de 200 millions en a depuis lors abaissé le chiffre ; mais dans l’exposé du ministre des finances de mai 1856, ce chiure est encore de 627 millions, et le décret présenté par le ministère Narvaez, dont un des premiers soins fut d’assigner à la dette flottante de plus justes