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en Afrique une langue isolée et seule de sa famille ; le berbère, autrement dit le kabyle, étudié dans ces derniers temps, en a fait retrouver bien des mots et des tournures, et le berbère lui-même n’est qu’un dialecte d’une langue parlée par toutes les populations touaregs, et qui fut chassée par l’arabe. Il paraît s’être avancé jusqu’au Sénégal. Les Guanches, les premiers habitans des Canaries, parlaient une langue qui appartient au même groupe. Le contact répété des populations sémitiques et de ces races africaines que nous appellerons chamitiques avec la Bible a laissé des traces dans les langues de celles-ci. L’égyptien, de même que plus tard le galla, a fait des emprunts évidens aux idiomes sémitiques, qui ne sont plus représentés aujourd’hui, avec leur pureté originaire, dans l’Afrique orientale que par une langue morte, le ghez, devenu la langue sacrée des Abyssins.

Au sud de cette grande famille chamitique s’étend une formation de langues que l’on doit considérer comme représentant réellement les langues africaines. Les idiomes que l’on rencontre en suivant la côte orientale jusqu’en Cafrerie rappellent sans doute, par quelques traits, les idiomes chamitiques, mais ils en constituent un groupe bien distinct. Cette vaste formation traverse de part en part le continent africain ; elle se prolonge jusqu’au Congo. Le souahili, parlé sur la côte de Zanzibar et auquel se rattachent divers idiomes répandus au sud du pays des Gallas, le temneh, le cafre, le kihiau, le sechuana,le damara, sont autant de membres de cette nombreuse famille, dont le représentant le plus occidental se retrouve dans le mpongwe parlé à la côte de Gabon. Ainsi, depuis une époque fort ancienne, des tribus noires ont effectué à travers le centre de l’Afrique ce passage que n’ont pu accomplir encore nos voyageurs. Leurs faibles barques ont traversé cette vaste mer Oukerewé, autrement dit le lac Uniamesi, récemment signalée par le missionnaire J. Erhardt, et qu’on ne saurait comparer, s’il faut l’en croire, qu’à la Mer-Caspienne ou à la mer d’Aral.

Au nord du Congo, dans la Guinée, la Sénégambie, le Soudan, existent une foule de langues dont le révérend Koelle a dressé récemment une classification dans sa Polyglotta Africana, et entre lesquelles je citerai trois langues qui ont été mieux étudiées que les autres, et qui sont les types d’autant de familles distinctes : le mandingue ou mandé, le wolof ou ghiolof, et le yorouba, parlé dans un des pays de la Guinée.

Les idiomes du Soudan proprement dit sont encore à peine étudiés, et la majorité n’en a pu être classée avec certitude. Il y a eu évidemment dans cette partie du monde bien des croisemens de langues comme de races. Les nègres ne présentent pas entre eux plus d’homogénéité que les blancs, et la diversité linguistique décèle des croisemens que trahissent d’autre part les nuances si variées de la peau et les différences prononcées dans la forme de la tête, l’angle facial et l’ampleur du crâne. Nous avons vu que les Sémites avaient pénétré en Afrique ; il y a eu des croisemens entre ceux-ci et les nègres, entre les nègres et les Chamites. Les noirs se sont encore mêlés à des populations venues d’au-delà des mers orientales. On a signalé par exemple des rapports frappans entre la langue des Foulahs et celle des Polynésiens. Cependant, malgré ces diversités, on saisit entre toutes les langues de l’Afrique un air de famille qui permet de les distinguer des autres langues du globe. Les idiomes africains, et plus spécialement ceux qui appartiennent