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forment des groupes assez distincts que l’on ne saurait considérer comme procédant les uns des autres, mais qui sont liés respectivement par des analogies diverses et doivent en conséquence être simplement placés parallèlement les uns, aux autres, à des distances toutefois inégales du monosyllabisme originel. Quoique le barman et le thibétain se rapprochent beaucoup entre eux et qu’ils trouvent dans certains idiomes comme des frontières communes, ils demeurent encore trop séparés, sous le rapport de la grammaire, du vocabulaire et de la prononciation, pour que l’on puisse admettre qu’ils dérivent l’un de l’autre ; ils semblent plutôt être, suivant l’observation de M. Logan, deux débris diversement altérés d’une langue plus ancienne, qui avait la même base que le chinois. Ainsi l’on doit croire que, depuis une époque fort reculée, la race jaune occupe tout le sud-est de l’Asie, car l’emploi de ces langues monosyllabiques est un trait caractéristique qui ne trompe jamais. Dans ces défilés de L’Assam, où se trouvent réunies tant de tribus différentes,. repoussées là par les conquêtes des Aryas, des Chinois et des Barmans, les races à type tartare se distinguent toutes des races dravidiennes par leur langage monosyllabique, allié tantôt au thibétain, tantôt au barman.

Dans la presqu’île de Malacca ou Malaya, dans les îles de la Malaisie, existent des populations qui sous le rapport du type et des habitudes, rappellent les tribus les plus barbares de l’Assam, les Garows par exemple. On a retrouvé à Sumatra des tribus dont les coutumes et le type ressemblent beaucoup à ceux des populations sauvages du nord-est de l’Hindoustan. Les Nagas ou Kakhyens ont avec les Polynésiens et diverses tribus indigènes de Sumatra une ressemblance de traits et d’usages bien remarquable, ils se tatouent comme les insulaires de la Mer du Sud ; chaque fois qu’ils ont tué un ennemi, ils se font, ainsi que cela a été observé chez les Pagais de Sumatra, une nouvelle marque à la peau ; chez eux aussi, comme chez les Aboungs,. autre peuplade de la même île, et ehez certaines tribus sauvages de Bornéo, un jeune homme ne peut se marier tant qu’il n’a pas coupé un certain nombre de têtes d’ennemis. Chez les Michmis, qui habitent l’Assam, on retrouve l’usage, si univeesei. en Polynésie et également répandu chez les Pagais de Sumatra, d’exposer les morts sur des échafauds jusqu’à ce que les chairs se corrompent, et se détachent des os. Toutes ces tribus de l’Assam, qui rappellent autant les tribus indigènes des îles de la Sonde que les populations primitives de la presqu’île de Malaya, parlent des langues monosyllabiques appartenant à la famille thibéto-barmane ou siamo-barmane. Cette double circonstance porte à croire que c’est de la presqu’île transgangétique que sont sorties les populations malayo-polynésiennes. Les langues qu’elles parlent tiennent au siamois et au barman ; mais à mesure qu’elles s’éloignent de leur berceau, leurs sons s’adoucissent, elles s’appauvrissent, en tendant à sortir du monosyllabisme qui leur a donné le jour.

Tandis que des peuplades, de souche thibéto-chinoise descendaient dans la Malaisie par la presqu’île transgangétique et s’avançaient graduellement à l’est, d’autres peuplades, sorties sinon d’une même souche, au moins d’une souche très voisine, les tribus dravidiennes, qui occupaient l’Hindoustan, venaient se croiser avec elles ; mais ce croisement ne fut pas le seul opéré dans