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tion, qui décida les Grecs dans l’antiquité et les Génois dans les temps modernes à y établir un port commercial. Selon Strabon, 400 ans avant l’ère chrétienne, Théodosie était assez florissante pour que l’un des rois du Bosphore cimmérien en tirât 2,100,000 mesures de grains, qu’il envoya à Athènes, désolée par la famine. Vers la fin du XIe siècle, le premier siècle des croisades, les Génois y avaient déjà fondé leur comptoir fameux de Caffa, que la naïve admiration des Tatars surnomma le petit Constantinople, et d’où ils ne furent expulsés qu’après la ruine de l’empire grec. Deux cents ans plus tard, le voyageur Chardin y retrouva un reste de prospérité; il raconte y avoir vu entrer 400 bâtimens en un mois. Durant cette période, le nom de Caffa prévalut; dès que Catherine II eut conquis la Crimée, en future libératrice de la Grèce, elle rendit à la presqu’île la dénomination hellénique de Tauride; Caffa redevint Théodosie. Comme Odessa à l’ouest et Taganrog à l’est, Théodosie correspond aux provinces fertiles de la région centrale de la Russie. Odessa ne peut desservir toutes ces provinces; elle n’en dessert que quelques-unes, et elle est devenue en cinquante ans le second port marchand de l’empire; Théodosie sera son heureuse rivale en desservant les autres. Outre sa part de relations directes dans l’intérieur, elle attirera une partie des relations de Taganrog et des autres ports de la mer d’Azof, parce qu’elle leur offrira un écoulement plus aisé en les dispensant des circuits du Volga et du Don à cette mer fermée; elle y ajoutera ses relations avec le littoral oriental de la Mer-Noire et du Caucase, auxquels elle touche; enfin elle sera liée à Moscou; peut-être la vieille cité des Grecs et des Génois ressuscitera-t-elle avec éclat. Quant à Liebau, de nos jours comme au beau temps des villes hanséatiques, ce port a été éclipsé par Riga, que le voisinage de l’embouchure de la Dvina désignait pour le débouché du pays; il n’a même en moyenne qu’un mouvement de 20,000 tonneaux par an : c’est un parvenu sans antécédens. Le chemin de fer lui tient compte d’être le port russe de la Baltique à la fois le plus occidental et le plus méridional; il est le plus à portée des arrivages de l’Europe; il ne gèle que par les hivers les plus rigoureux, et encore la navigation n’y est-elle suspendue que six semaines au plus, tandis que les ports de Riga et de Pétersbourg sont régulièrement bloqués par les glaces durant cinq mois de l’année. Abordable par presque tous les vents, Liebau contiendra 1,600 bâtimens au lieu de 400, lorsque les travaux entrepris par l’état en auront élargi l’enceinte[1].

L’autre partie du réseau consiste dans une ligne unique de Saint-

  1. Les négocians de Riga viennent d’acheter les quais de Liebau; la valeur des terrains à Théodosie et aux environs a déjà triplé.