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son sont presque épuisées. Sans doute le chemin de fer des deux capitales, moyennant des embranchemens ultérieurs, rendra, pour le transport des bois, des services à la zone septentrionale; mais il rendra d’autres services en la joignant aux deux zones dont elle ne peut se passer. Si l’on excepte les provinces dont le voisinage de la Baltique adoucit la température, dans cette zone où les hivers sont si longs et les étés si courts, le climat et le terroir ne peuvent être domptés par le travail et par les engrais; la production du bétail, de l’orge, du seigle et du froment est presque partout au-dessous des besoins de la population; la différence est tirée du centre et du sud. C’est à quelques centaines de lieues de Pétersbourg qu’est récolté le blé qui s’y mange; sur les bœufs qui y sont abattus, un septième seulement a été nourri dans les gouvernemens d’Arkhangel et d’Esthonie; les six autres septièmes arrivent de l’Ukraine ou des bords de la Caspienne sous le nom de bœufs circassiens, après un voyage de deux ou trois mois. Une prévoyance supérieure et les canaux de la Neva tiennent l’approvisionnement de la capitale toujours au complet; sur tant d’autres points qui ne sont pas à proximité des voies fluviales, l’insuffisance est habituelle, comme l’atteste l’élévation constante du prix des céréales.

La zone du centre est la zone vitale de l’empire russe. Son ciel est moins âpre, ses terres sont fertiles, sa population est nombreuse, presque tous les développemens industriels s’y sont agglomérés, et par cela même elle est le siège de transactions commerciales étendues. Dans la région supérieure de cette zone, l’industrie domine; la région inférieure est particulièrement agricole.

Les efforts de la Russie pour s’approprier l’industrie européenne datent de Pierre le Grand; la tentative a réussi depuis 1815. Le rétablissement de la paix fut partout le signal d’une reprise ardente du travail; le continent, sous le coup d’un avertissement impopulaire, mais efficace, le blocus napoléonien, avait compris la nécessité d’apprendre à lutter contre l’Angleterre, et la Russie y fut aussi excitée par les mesures des deux empereurs Alexandre et Nicolas, et même par leurs exemples. Tout l’y conviait : la quantité de matières premières qu’elle avait sous la main, et l’assurance d’un placement garanti, soit par les besoins de 60 millions d’âmes en Europe et de 5 millions en Sibérie, soit par le trafic avec les nations de l’Asie. On sait que son territoire se prolonge dans le nord de ce continent jusqu’aux mers du Japon, en côtoyant l’Anatolie, la Perse, la Tatarie, la Mongolie, la Chine, et lui assigne une fonction commerciale à exercer par terre aussi bien que par mer. Il était légitime de vouloir préluder à cet avenir en soldant avec des objets de confection indigène les marchandises asiatiques. Ce n’était pas non plus une consi-