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du peuple espagnol, il vient après celui d’Isabelle la Catholique, et les esprits éclairés le mettent au même rang. Cela s’explique aisément. Le nom de la première Isabelle se lie à la plus belle époque de l’histoire de l’Espagne, à cet instant merveilleux où le génie espagnol était dans son épanouissement et prenait en quelque sorte possession de lui-même. Deux siècles plus tard, Charles III préside à une renaissance dont le point de départ est la révolution dynastique qui mettait la maison de Bourbon à la place de la maison d’Autriche. C’est de là en effet, c’est du traité d’Utrecht et de l’avénement définitif de la maison de Bourbon que date l’ère nouvelle pour la Péninsule, et c’est ce que M. Ferrer del Rio met en relief en décrivant avec éloquence la détresse profonde où les derniers rois autrichiens, ces pâles héritiers de Charles-Quint, avaient laissé le pays.

Le XVIIIe siècle a eu en Espagne un caractère particulier qui ressort des récits mêmes de l’historien nouveau. Ce n’est point, comme en France, un siècle de grand mouvement philosophique, mais en même temps violent, irréligieux et dissolu ; c’est un siècle de grand travail intérieur, supérieurement décrit par l’auteur de l’Histoire du règne de Charles III. On ne connaît guère ce xviiie siècle espagnol que par quelques faits saillans, comme l’expulsion des jésuites, le pacte de famille, la guerre contre l’Angleterre. Il est bien moins connu par ce côté de rénovation pratique, par ce retour graduel de la vie accompli à l’aide de tout un ensemble de réformes dans la législation civile, dans les finances, dans l’administration économique. Politiquement, l’Espagne restait la même, elle ne cessait pas d’être une monarchie absolue ; matériellement, comme puissance, elle se relevait, elle se faisait compter en Europe. Dans ce mouvement de renaissance, si on l’approfondissait, on verrait figurer tout un groupe d’hommes éminens, Aranda, Campomanès, La Ensenada, Florida-Blanca, Jovellanos. Au milieu de ces hommes apparaît Charles III. Ce n’était pas un grand roi, si l’on veut, dans le sens ordinairement attaché à ce mot ; c’était un roi éclairé, homme de bien, qui, en étant pieux, ne craignait pas de toucher aux abus de l’église, et qui, en tenant fort à son pouvoir, aimait les réformes. Qu’a-t-il donc manqué à ce mouvement ? Il lui a manqué de durer, d’être continué par le successeur de Charles III, le faible Charles IV, et c’est ce qui donne à ce règne, dont M. Ferrer del Rio s’est fait l’historien, l’intérêt d’une œuvre trop tôt interrompue. L’Espagne souffre peut-être encore de cette interruption d’un travail qui l’eût bien plus sûrement conduite à ses transformations contemporaines, et voilà comment le présent se lie toujours au passé dans l’histoire d’un pays. ch. de mazade.



REVUE MUSICALE.

Pendant que les concerts et les soirées plus ou moins musicales se multiplient d’une manière effrayante pour la sécurité publique, les théâtres lyriques s’endorment, ou ne donnent que de rares occasions de parler de leurs faits et gestes ; mais, contrairement au proverbe qui dit que le silence de l’histoire est une marque de félicité pour les peuples dont elle ne s’occupe pas, les théâtres lyriques, pour ne pas trop faire parler d’eux, n’en sont ni