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ner la défaite du parti fédéraliste. Jefferson avait été élu président, et, en prenant le pouvoir, son premier acte avait été de faire abandonner les poursuites ordonnées par son prédécesseur. Ainsi la loi, sans être rapportée, avait été déchirée des mains mêmes de ceux qui auraient pu seuls l’invoquer. On ne pouvait songer à recommencer une pareille expérience, et depuis cinquante ans en effet il n’y a pas eu d’exemple de procès de presse intenté soit par les autorités fédérales, soit par les autorités d’aucun état. Les circonstances spéciales dans lesquelles l’Union américaine se trouve placée ont rendu la liberté illimitée et même les abus de la presse sans danger pour elle; mais si rien jusqu’ici n’est venu justifier les craintes exprimées au commencement de ce siècle par quelques-uns des hommes d’état américains les plus éclairés et les plus libéraux, on reconnaîtra du moins que les inquiétudes de ceux-ci étaient légitimes en présence des faits que nous venons de rapporter.

C’est à peine si dans cet abaissement général de la presse américaine on trouve une couple de noms en faveur desquels il soit possible de faire une exception. Nous citerons pourtant Théodore Dwight, qu’on pourrait considérer comme une sorte de trait-d’union entre les écrivains d’autrefois et la presse contemporaine, car, né en 1765, il débuta dans la carrière sous les auspices d’Hamilton, de Fisher Ames, d’Oliver Walcott et des autres chefs du fédéralisme, et il n’est mort qu’en 1846, à l’âge de quatre-vingt-un ans, après avoir appartenu à la presse pendant près d’un demi-siècle. Dwight, homme instruit, de convictions sincères et d’un caractère irréprochable, dirigea pendant plusieurs années à Hartford le Miroir (Mirror), le journal whig le plus influent du Connecticut. Sur les instances de ses amis politiques, il transporta sa résidence à New-York, où il fonda en 1817 le Daily Advertiser, qui existe encore sous le nom de New-York Express. Sous la même bannière que Dwight combattait William Wirt, avocat distingué du barreau de Richmond en Virginie. Wirt commença en août 1803, dans l’Argus de Richmond, une série de lettres ou d’articles évidemment imités du Spectateur, et qu’il signait l’Espion anglais (british Spy). C’était un tableau assez piquant des mœurs et des usages de la Virginie, avec des portraits des hommes les plus influons de cet état, alors le premier de la confédération. Ces lettres eurent un immense succès, elles furent reproduites par un grand nombre de journaux des états du nord, et elles furent réunies en un volume. Pareille vogue accueillit les trente-trois lettres d’un Vieux Célibataire (Old Bachelor), que le même écrivain adressa, de novembre 1810 à la fin de 1811, à l’Enquirer de Richmond, et qui, réunies en deux volumes, n’eurent pas moins de trois éditions. Wirt s’essaya aussi dans la politique. En 1808, il défendit