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et qui prennent toutes les mesures propres à les faire réussir; des rédacteurs y sont chargés de composer les adresses, les requêtes, les appels aux électeurs, de les faire distribuer et de les envoyer aux journaux, qui en remplissent leurs colonnes. D’autres y donnent toutes leurs instructions aux nombreux agens, souvent bien payés et bien nourris, qui sont occupés à faire le triage des électeurs, à leur envoyer leurs cartes, à compter ceux dont on est sûr, à rechercher les douteux, et à supputer ainsi les chances de défaite pour les prévenir, les chances de victoire pour ne pas les laisser échapper. En même temps les souscriptions destinées à couvrir les frais sont ouvertes, et plus d’une fois elles ont défrayé le candidat de toutes les dépenses, quand il ne pouvait pas les supporter. L’esprit d’association, qui semble être l’attribut du caractère anglais, montre ainsi sa force et sa puissance; il détermine ce mouvement et cette mise en commun de tous les efforts, qui, au lendemain d’une révolution à la fois puérile et menaçante, avaient fait en France, sous le feu de l’ennemi, le salut du parti de l’ordre : s’il y a des pays où cette activité, brusquement jetée hors de ses voies régulières, paraît une crise, il y en a d’autres où elle est la condition ordinaire de la santé.

L’élection une fois préparée, il faut voir comment elle se passe : c’est là un tableau vivant sur lequel se dessinent tour à tour les scènes les plus variées qui renouvellent l’intérêt permanent du spectacle.

Le premier jour de l’élection est le jour de la nomination; il a été proclamé par le shériff ou par l’officier préposé, et les journaux, ainsi que les affiches, le rappellent à l’envi à ceux qui pourraient l’ignorer ou l’oublier. Dans une grande ville comme Londres, divisée en plusieurs bourgs électoraux, et où le candidat est plus facilement exposé à rester étranger à ses électeurs, la nomination dérange peu le mouvement habituel des affaires, et n’empêche pas que beaucoup d’indifférens, dans les classes les plus élevées, ne se tiennent à l’écart. Dans la province au contraire, où la vie politique garde toute son énergie, elle suspend les occupations et les plaisirs : tout contribue à lui donner l’air d’une fête. Si l’on se transporte, par exemple, dans un chef-lieu de comté, dès le matin les cloches sonnent à toute volée, les hôtels se pavoisent de bannières rivales, on entend le bruit des nouvelles qui circulent, des acclamations qui se succèdent. Quoique toutes les processions publiques des partis soient maintenant interdites et punies par la loi, on peut encore, au moins la veille d’une nomination, assister à l’arrivée solennelle d’un candidat suivi à cheval par des centaines de partisans. Aux dernières élections, le jeune lord Althorp, qui venait à vingt-quatre ans briguer la candidature du comté de Northampton, entrait ainsi dans la ville, accompagné d’un cortège qui rappelait les temps de la féodalité.