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liques indigènes le libre exercice de leur culte, en même temps qu’à nos missionnaires celui de leur saint ministère.

En cet état de choses, je me demande si l’Angleterre, soit qu’elle aille faire la guerre, soit qu’il lui suffise d’une imposante démonstration pour obtenir du Céleste-Empire de nouvelles concessions commerciales, politiques et religieuses, doit être seule à poursuivre ce but : je me demande si elle seule a ses intérêts à protéger, sa dignité à maintenir, si à elle seule seront laissés, avec toutes les chances de la lutte, tous les fruits du succès, si enfin il n’y a rien à faire pour la France dans cette grande entreprise. Je sais que nous avons dans les mers de Chine une force navale assez considérable pour agir efficacement, et j’entends dire qu’on l’augmente encore; mais la politique qui dictera ses instructions la tiendra-t-elle spectatrice immobile des événemens, ou lui commandera-t-elle d’y prendre part? Dans ce dernier cas, le seul que je puisse admettre, quelle sera cette part? Quel rôle y aura-t-il à jouer pour nous, quels avantages à recueillir dans cette campagne guerrière et diplomatique, où la place de nos marins à côté des marins anglais sera aussi bien marquée qu’elle l’était devant Sébastopol?

Je me propose d’étudier ces diverses questions; mais, avant de le faire, il me semble indispensable de jeter un rapide coup d’œil sur la situation actuelle de l’empire chinois, sur l’état de ses relations avec les étrangers, et enfin sur les causes qui ont amené la guerre qu’on peut dire maintenant commencée.


I.

C’est un fait aujourd’hui hors de doute que l’empire chinois est entré dans une période de décadence : les voyageurs qui ont visité cet empire, les savans qui ont étudié son histoire, rendent tous là-dessus le même témoignage. Les Chinois éclairés eux-mêmes le reconnaissent, et c’était une maxime favorite du dernier empereur que « le déclin suit infailliblement la prospérité. » Si en effet cette prospérité a été si grande, si un bonheur exceptionnel a permis à cette vaste monarchie de rester seule assise sur son organisation séculaire, tandis que tout était bouleversé et renouvelé autour d’elle, il n’est que trop conforme au cours naturel des choses humaines qu’elle soit atteinte à son tour d’un principe de destruction, minée dans ses fondemens et menacée de ruine.

On fait remonter à la conquête tartare, c’est-à-dire au milieu du XVIIe siècle, les premiers symptômes de cette décadence, qui depuis a suivi une marche si rapide, rapide dans sa proportion avec la longue durée de l’empire chinois. C’est à cette époque qu’une at-