province pour repousser l’agression des barbares. M. Meadows, dont le curieux ouvrage nous fournit tous ces détails, ne doute point que le mouvement si aisément imprimé à cette immense population n’ait donné au visionnaire l’idée de ce qu’il pouvait entreprendre. L’apostolat de Hung-tze-tzuen commence. Il s’est retiré dans la province de Kouang-sé, la plus méridionale de l’empire, et là il réunit autour de lui un nombre assez faible d’abord de sectaires, qui ont pris le nom d’adorateurs de Dieu. La doctrine qu’il leur prêche est celle des livres chrétiens qui ont été mis entre ses mains, et qu’il interprète à sa manière. Il se croit assez fort pour tenter avec ses adeptes une sorte de croisade contre les idoles. Bientôt se joignent à lui deux nouveaux illuminés, qui eux aussi prétendent, dans leurs convulsions nerveuses, recevoir du ciel des révélations. Yang et Seaou, plus connus dans la suite sous les noms de princes de l’est et de l’ouest, entendent partager avec Hung-tze-tzuen la direction de la propagande, jusqu’alors purement religieuse; mais Hung-tze-tzuen, par la supériorité de son intelligence et de son éducation, par l’enthousiasme vrai ou faux dont il paraît inspiré, reste le chef de la révolution qui se prépare : il prend le titre de second fils de Dieu, qui lui a accordé la faveur d’une entrevue spirituelle. Les princes de l’est et de l’ouest se contentent de proclamer, l’un que Dieu le père, lorsqu’il vient sur la terre, parle par sa bouche, l’autre que c’est lui qui est l’interprète du Seigneur Jésus. Les soins de la politique semblent être le partage plus spécial de ces deux prophètes inférieurs.
La province de Kouang-sé était habitée par diverses couches de population que le temps avait superposées les unes aux autres. Il y avait d’abord la race indigène, demeurée toujours à peu près indépendante dans ses montagnes; puis, à diverses reprises, s’étaient accomplies des immigrations de Chinois du nord, et en dernier lieu étaient venus du littoral de la province de Canton des milliers de nouveaux habitans, faisant partie de ce qu’il y a de plus remuant et de plus entreprenant dans la nation chinoise. Ce fut parmi ceux-ci que la secte des adorateurs de Dieu trouva ses premiers adeptes. Ses progrès étaient encore assez obscurs, lorsqu’une querelle de village, née à l’occasion d’une fille à marier, vint soudainement accroître sa force et son importance. Les Chinois cantonnais, dans cette querelle, appelèrent à leur secours les adorateurs de Dieu dispersés dans les villages voisins; ceux-ci répondirent à leur appel, et d’une victoire gagnée en commun sortit bien vite la fraternité religieuse.
Jusque-là les mandarins avaient assisté d’un œil indifférent à la propagation de la nouvelle doctrine; mais lorsqu’ils virent des fa-