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pour redouter toutes les influences étrangères. Presque à la même époque, la religion et le commerce de l’Europe sont venus frapper aux portes de la Chine : contre l’une et l’autre, les mandarins songèrent à prendre leurs sûretés. Fidèles en apparence à leur grand principe de n’employer la force que lorsque les moyens moraux auraient été tous épuisés, ils voulurent essayer de tourner l’ennemi, de le dompter par la ruse avant d’en être réduits à le combattre en face. Ils commencèrent par établir une entière différence entre les marchands et les missionnaires. Ils n’ont jamais reproché à ceux-ci les projets d’envahissement et de profit matériel qu’ils affectent de redouter de la part des premiers. Leur haine n’a commencé contre nos prêtres que lorsqu’ils ont reconnu que la tolérance qu’ils leur accordaient était sans profit pour leur domination. Le secret de leur politique avait été d’abord de les admettre comme d’utiles instrumens de pouvoir, en même temps qu’ils repoussaient le commerce aussi loin que possible, et s’efforçaient de faire croire aux peuples que la crainte inspirée par la majesté redoutable du fils du ciel était la cause de cet éloignement. Nous allons suivre cette double politique dans ses développemens. Parlons d’abord des missionnaires, les premiers venus d’ailleurs dans le Céleste-Empire.

Il ne peut être ici question de l’aventureuse propagande tentée en Chine par des religieux franciscains au XIIIe siècle et de l’église chrétienne fondée alors à Péking par Jean de Corvin. Il faut prendre les missions catholiques à l’époque où, portées sur les vaisseaux portugais, elles commencèrent à Canton leur sainte carrière, dans les premières années du XVIe siècle : c’est là leur véritable origine. La nouvelle religion reçut alors un favorable accueil. Pendant deux cents ans, les missionnaires eurent des établissemens à Péking, le culte catholique fut autorisé dans tout l’empire, et rien ne fut épargné, aucune caresse ne fut négligée pour gagner ses ministres, les attacher aux institutions chinoises, comme on l’avait déjà tenté avec succès à l’égard des mahométans, et arriver ainsi à les soumettre; mais la religion chrétienne, si elle sait condescendre aux exigences légitimes des pouvoirs terrestres, porte en son sein un principe supérieur qui, tôt ou tard, doit contrarier les prétentions absolues du despotisme. Le moment vint où les missionnaires et les chrétiens de Chine se trouvèrent en désaccord avec l’autorité de l’empereur. Nous n’avons pas à raconter ici cette histoire : nous dirons seulement que depuis lors, c’est-à-dire depuis le XVIIIe siècle, une ère de persécutions sans relâche a commencé pour le christianisme. Elles n’ont pu abattre le courage de nos missionnaires, qui chaque année pénètrent en Chine et vont rejoindre les petites chrétientés disséminées sur la surface de l’empire; mais elles ont arrêté