Européens, et les autorités de cette grande ville leur être aussi constamment accessibles. Les mandarins résolurent de s’opposer à cette innovation, de renfermer comme auparavant les étrangers dans l’enceinte des factoreries, et de se refuser à toute communication verbale avec les autorités européennes, se réservant ainsi les avantages de ces artifices diplomatiques, de ces ajournemens et de tout ce jeu de duplicité et de mensonge dont ils se tirent avec tant d’habileté. La besogne leur fut facile : les Cantonnais n’avaient pas ressenti le poids de la guerre; deux fois, pendant ces années de luttes, des négociations intempestivement acceptées avaient suspendu l’orage près de fondre sur eux. En dernier lieu, les forces anglaises, maîtresses des hauteurs qui environnent la ville, allaient donner un assaut dont le résultat n’était pas douteux, lorsque les principaux négocians offrirent une rançon qui fut acceptée. Au même moment, les milices provinciales appelées au secours de la ville commençaient à se montrer; elles s’attribuèrent tout l’honneur du départ des Anglais, et l’orgueil de ces populations, que tant d’outrages impunis avaient déjà porté si haut, trouva une cause d’exaltation jusque dans la défaite. Les mandarins se servirent avec habileté de cet état des esprits, lorsque les plénipotentiaires anglais, le traité à la main, revendiquèrent le droit de pénétrer dans la ville et d’aller conférer avec le vice-roi sur le pied de l’égalité. Ils ne nièrent pas la clause invoquée, mais la possibilité de l’exécuter en face des dispositions populaires. Les Anglais se livrèrent alors à de longues et inutiles négociations, d’autant plus fâcheuses qu’ils n’avaient pas l’intention de les pousser jusqu’à une rupture; ils s’étaient laissé deviner par leurs rusés adversaires, et n’obtinrent rien. Tous leurs efforts vinrent échouer devant l’habileté supérieure de Seu et de Yeh, les deux successeurs de Keing disgracié, et l’empereur fit élever dans les rues de Canton six arcs de triomphe en granit, couverts d’inscriptions en l’honneur de la victoire diplomatique de ses mandarins. Ces monumens érigés à la fourberie et au parjure ne sont pas les traits les moins caractéristiques de la moralité chinoise.
Voilà donc les choses replacées à Canton sur le même pied qu’avant la guerre, et les Européens enfermés ou à peu de chose près dans le même cercle. Sur les nouveaux points ouverts au commerce, la situation était toute différente, et les relations entre les indigènes et les étrangers avaient fait un pas immense. Là, point de traditions populaires à invoquer, point de relations antérieurement établies que les autorités chinoises pussent prétendre à maintenir. On avait eu à recevoir des inconnus avec lesquels on n’avait jamais communiqué, et qui se présentaient dès l’abord avec tout l’appareil de la force et de la richesse. Les consuls anglais chargés d’ouvrir ces