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naçans de la Russie, il serait à craindre qu’elle ne fût entraînée à des actes qui, en lui faisant exercer une influence prépondérante sur les destinées du peuple chinois, auraient pour résultat de déplacer le danger que l’on aurait voulu éviter.

Disons tout de suite que dans cette circonstance l’Angleterre elle-même réclame avec instance le concours des puissances maritimes qui ont le plus d’intérêt à ce que la Chine ne devienne ni russe, ni anglaise. Ce concours lui sera-t-il refusé?

L’Angleterre, nous en sommes convaincus, est très sincère lorsqu’elle affirme qu’aucune pensée de conquête ne l’anime dans sa querelle avec la Chine. Son empire de l’Inde et l’extension presque journalière qu’elle est forcée de lui donner sont assez vastes pour lui suffire. Ce qu’elle veut, c’est que la Chine, ne pouvant être anglaise, demeure indépendante. Ce qu’elle veut, ce sont des facilités plus étendues pour son commerce, qui se sent resserré dans de trop étroites limites; ce sont des débouchés nouveaux pour ses produits, un nouveau marché pour ses échanges. Nous n’avons pas à rechercher si ce désintéressement, cet éloignement qu’elle montre pour toute pensée d’agrandissement n’est pas simplement une preuve de la confiance qu’elle a dans sa supériorité commerciale et maritime pour lui conserver le principal rôle auprès de la Chine indépendante. Rien de plus juste, de plus légitime que cette confiance : c’est aux autres peuples, s’ils le peuvent, de rivaliser avec le commerce et l’industrie britannique sur le vaste marché de l’empire chinois. Nous sommes sûrs que les États-Unis soutiendront hardiment cette lutte; nous voudrions que la France fût en état de l’entreprendre.

Mais c’est là une question d’avenir, et il y a une question actuelle, pressante, que l’Angleterre convie la France et les États-Unis à venir résoudre de concert avec elle. Il serait malheureux, très malheureux que son appel ne fût pas entendu. Le droit serait donné dès lors à l’Angleterre, qui serait seule à vider cette grande affaire, de s’en approprier tous les résultats. Malgré elle, on l’aurait poussée à accomplir en Chine quelque chose de semblable à ce qu’elle a accompli dans l’Inde. Après avoir tiré vengeance des actes sauvages, commis à Canton, nous la verrions occuper l’île de Chusan, à l’entrée du Yang-tze-kiang, et peut-être Formose, dont les mines de charbons promettent une source abondante de richesses. Ces îles deviendraient sur une grande échelle ce que Hong-kong a été dans ces dernières années, un point d’attraction pour les Chinois industrieux, qui fuiraient les désordres auxquels l’affaiblissement journalier du pouvoir des empereurs donnerait partout naissance. Ces émigrés formeraient promptement une race d’Anglo-Chinois, sujets de l’Angleterre plus que de la Chine, engagés nécessairement dans des conflits de chaque Jour avec la vieille population de l’empire, cha-