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les hôtelleries. Ils dansent, ils boivent, ils chantent; leurs repas sont sans terme, et leur intempérance sans mesure. Ces choses se feraient-elles, si nous avions un reste de la discipline de nos pères? » Ce n’est pas moi qui le dis, c’est un empereur guerrier. On croit parfois que le despotisme est favorable à l’esprit militaire; la défaillance de cet esprit sous l’empire prouve qu’il n’en a pas toujours été ainsi.

Sévère, né en Afrique, alla mourir en Angleterre. Son dernier mot d’ordre : travaillons ! a eu l’honneur d’être cité par M. Le duc de Broglie dans un mémorable discours académique. A côté de l’énergie qu’atteste ce mot, une autre parole de Sévère respire un découragement profond. « J’ai tout été, et à quoi bon? » Omnia fui et nihil expedit. Cette appréciation ironique des choses humaines est remarquable chez un ancien. On croit entendre parler Hamlet, ou Macbeth dire après une vie d’ambition et de remords :

Life is a poor player....
« La vie est comme un pauvre acteur. »

Rome, qui allait à sa ruine après tant de brillantes fortunes, pouvait dire comme Sévère : « J’ai tout été, et à quoi bon? » L’amertume de sa décadence est dans ce mot-là.

Septime-Sévère, un des conservateurs et des réparateurs passagers de cet édifice prêt à tomber en ruine qui s’appelait l’empire, montra le même instinct de conservation et de réparation dans le soin qu’il prit d’entretenir les édifices et de rebâtir les ruines. Selon Spartien, Sévère n’avait pas coutume d’inscrire son nom sur les monumens qu’il relevait; Dion dit précisément le contraire. Le Panthéon donne raison à Dion, car une inscription placée au-dessous de celle d’Agrippa nous apprend que Septime-Sévère et son fils Caracalla ont restauré ce monument et l’ont orné. On le reconnaît aussi à l’infériorité de plusieurs détails et au goût médiocre de certains ornemens. Cette inscription nous apprend aussi que le Panthéon était déjà dégradé par le temps, vetustate corruptum ; ces mots auraient pu s’appliquer à l’empire. Sévère restaura même un temple qui remontait à l’époque de la république, celui de la Fortune Muliebre, élevé en mémoire du triomphe qu’avait remporté l’ascendant d’une mère et d’une épouse sur l’orgueil irrité de Coriolan, et, parmi les monumens qui dataient des premiers temps de l’empire, le portique d’Octavie. A ces restaurations Sévère joignit des constructions nouvelles. Il bâtit des thermes qui étaient placés non loin de la porte Capène, et par conséquent voisins du lieu où devaient s’élever les thermes de Caracalla, dont ils furent peut-être l’origine et pour ainsi dire le germe. Il donna son nom à une porte qui se trouvait sur la rive droite du Tibre; cette porte, réparée dans les temps modernes et refaite en