comme tête de colonne sous les ordres du général Yussuf, et soutenir 2 ou 3,000 spahis d’Orient organisés avec les bandes indisciplinées des bachi-bozoucks. Le médecin en chef de cette division était M. Cazalas, homme d’énergie, qui avait fait preuve d’un profond savoir dans son enseignement à l’école du Val-de-Gràce[1]. Il avait sous ses ordres des médecins d’élite tels que MM. Quesnoy, — Bailly, enlevé quelques jours plus tard par le choléra, — et Raoul de Longchamps, qui résista comme par miracle aux atteintes du fléau. Les moyens de transport destinés aux malades comprenaient 65 paires de cacolets, 5 paires de litières, quelques caissons d’ambulance, et un certain nombre d’arabas.
Pour franchir les 11 kilomètres qui marquaient la première étape de Franka à Kapakli, les soldats restèrent pendant dix heures sur pied, exposés toute la journée à un soleil de 30 degrés. Dans la soirée, quatre cas de choléra se déclaraient dans la colonne expéditionnaire. Repartie le 22 à quatre heures du matin, la division n’arriva que vers sept heures du soir à Tchatal-Tchesmé. Elle n’avait fait que 18 kilomètres, mais la chaleur était accablante; le thermomètre marquait 33 degrés. La marche était difficile par un chemin étroit qui passait sur des pentes âpres et raides. Au-delà de ce bivouac, la colonne descendit dans une plaine nue, dépouillée de toute végétation arborescente, et longue de 200 kilomètres : c’était la Dobrutcha, couverte de lacs et de marais, dont les émanations pestilentielles vicient l’atmosphère, surtout dans cette saison de l’année. Les géographes l’ont encadrée entre le Danube et les murailles du camp de Trajan, mais la topographie médicale en recule les limites au sud, jusqu’auprès de Kavarna, où les troupes arrivèrent trois jours après leur départ de Varna.
Les campemens qui marquèrent les étapes suivantes furent tous d’une égale insalubrité. A Sattelmuch-Gol, à Mangalia, à Orgloukoï,
- ↑ J’ai dit, en parlant du Val-de-Grâce, qu’un cours approfondi de plaies d’armes à feu n’y était pas professé. Il n’en faudrait pas induire que cette partie de l’enseignement est mise de côté. Je me plais à reconnaître que les professeurs de cette école ont toujours saisi avec empressement les occasions d’initier leurs élèves aux pratiques de la médecine militaire et au traitement des blessures de guerre. Le désir que j’ai voulu exprimer, c’est tout simplement que le traitement des plaies d’armes à feu, au lieu d’être enseigné accessoirement dans plusieurs cours et par des maîtres différens, acquît une plus grande importance, étant confié à un professeur particulier, pour qui on créerait, quand on le pourrait, une chaire spéciale de blessures de guerre. Déjà le ministre, M. Le maréchal Vaillant, pour qui la santé du soldat est un objet de constantes préoccupations, a doté le Val-de-Grâce, au mois de juin 1857, d’une chaire spéciale pour les maladies et les épidémies des armées. MM. Les professeurs, dont j’ai pu apprécier le profond savoir pendant dix années, ne peuvent douter que je ne sois resté avec eux en communauté de vues et de sentimens. Le seul vœu que je forme, c’est qu’on ajoute un nouveau lustre à l’enseignement si renommé du Val-de-Grâce.