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tant de maladies accumulées sont devenues contagieuses. C’est de Crimée que nous vient la contagion, mais elle se développe en même temps dans nos hôpitaux. C’est une vérité qui n’est pas assez reconnue, et dont il faut se bien pénétrer. Or la contagion, nous allons à notre tour la transmettre aux navires chargés des évacuations; elle se développera en route; elle atteindra les marins des équipages, dans quelles proportions, Dieu seul le sait ! Nous la sèmerons dans tous les hôpitaux qui pourront recevoir nos typhiques; nous l’importerons en France. Il faut éviter l’embarquement pour la France de tout homme atteint de typhus... Je désire visiter tous les navires en partance, pour empêcher le transport d’aucun typhique.

« Avant que l’épidémie ait atteint des proportions supérieures à nos ressources, il serait urgent de les utiliser toutes, d’ouvrir 5,000 places sous baraques, de mettre dans chaque baraque, au lieu de huit malades ordinaires, quatre malades atteints de typhus. Pour avoir ces 5,000 places disponibles, que faut-il? Si vous me permettez un conseil d’homme d’action, de médecin d’armée, je dirai : Faire transporter des matelas dans les baraques et quelques objets de literie, envoyer des caissons d’ambulance pourvus de médicamens, de linge, des ustensiles les plus indispensables, installer immédiatement de grandes infirmeries sous baraques; — tout cela exigerait-il plus de deux fois vingt-quatre heures? »

J’écrivais à la date du 28 et du 29 février 1856 : « La marche du typhus continue à être ascendante dans des proportions modérées, mais cependant notables. Il se déclare en moyenne 150 nouveaux cas par jour dans les hôpitaux de Constantinople. A Maslak, sur 420 malades, il y a 180 typhiques; à Ramis-Tchiflik, sur 700 malades, on compte 250 cas de typhus. Il y a donc dans certains hôpitaux une situation grave; il faut y apporter un prompt remède. Le remède est simple : de l’air, toujours de l’air, encore de l’air pur et renouvelé ! Pour cela, il nous faut plus d’espace, il faut bien vite transporter la moitié de notre population hospitalière sous les baraques inoccupées de Maslak, y faire un grand campement, un grand bivouac. Voilà ce que je dis et écris du matin au soir... Nous avons des baraques pour loger 20,000 soldats; elles attendent une population. Hâtons-nous de les occuper. Ouvrir des baraques pour satisfaire à de nouveaux besoins, au fur et à mesure que les malades nous arrivent de la Crimée, ce n’est pas atteindre le but, c’est se laisser envahir tout doucement par les flots de la marée montante. »

Le 3 mars 1856, j’écrivais encore au ministre de la guerre : « La contagion continue ses progrès. Il en sera ainsi tant que nous ne serons pas arrivés à porter dans les baraques des camps inoccupés le tiers, sinon la moitié, de nos malades des hôpitaux. Des 5,000 places