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de mauvais goût dans un livre, est de mauvaise foi dans la chaire, et l’exagération des phrases, transportée de la littérature dans la prédication, tourne à l’hypocrisie. Tout homme, mais le clergé plus que personne, ne doit strictement écrire que ce qu’il pense. Il y a sans doute des gens qu’on ne persuade que par le faux, car enfin les convictions formées par des déclamations n’en sont pas moins des convictions, ceux que l’on convertit ainsi n’en sont pas moins convertis, et s’il fallait trop éplucher les effets de ce qu’on est convenu d’appeler la réaction religieuse, et écarter tout ce qui est dû à de mauvaises raisons ou à des sentimens vulgaires, on licencierait bien des disciples, on repousserait bien des cœurs que l’habitude peut amener plus tard à une piété plus digne de son objet. Puis le vent souffle où d lui plaît, et s’il apporte la foi, comment s’en plaindre? Il ne faut pas être plus difficile que Dieu même, et s’d a permis que le mensonge ramenât à la vérité, il faut... J’aime à pousser ainsi le raisonnement, parce que j’y sais une admirable réponse. Peut-être quelques lecteurs ont-ils déjà murmuré le nom de l’école dont j’avais l’air ici d’emprunter une argumentation favorite; mais qu’ils ne se hâtent de soupçonner personne, qu’ils écoutent les nobles paroles du père Chastel, et que son exemple profite à l’institution contestée qu’il venge et qu’il honore par son courage et sa candeur.


« On dira peut-être : la foi ou le scepticisme, voilà comment on convertit aujourd’hui et comment les bons esprits reviennent de toutes parts au catholicisme. — Nous savons que Dieu est maître de ses dons et qu’il a des voies bien diverses pour attirer à lui les âmes. La lumière d’en haut peut éclairer immédiatement, et la vertu divine entraîner un cœur droit et généreux, sans aucun de ces moyens que le calcul humain puisse saisir et analyser. Nous le dirons même, parce que la sagesse divine n’en paraîtra que plus admirable : aujourd’hui surtout bien des cœurs et des esprits, même distingués, sont ramenés à Dieu et à la religion par des moyens qui semblent entièrement disproportionnés avec un pareil résultat. Ce ne sont point des réflexions sérieuses, fermes et suivies, un enchaînement solide de vérités dont on se soit rendu un compte sévère et qui satisfasse pleinement la raison. Hélas! ils sont peu nombreux de nos jours ceux qui sont capables ou qui se donnent la peine de saisir la force d’un raisonnement et de suivre un enchaînement de déductions rigoureuses. Qu’est-ce donc qui les a gagnés et a triomphé de leurs doutes et de leurs hésitations ? Dans cette étude de la religion, qu’est-ce qui les a frappés, ébranlés, déterminés? Souvent une impression, un sentiment non raisonné, une image, une figure de style, une comparaison ingénieuse ou touchante, une analogie, laquelle peut être forcée, exagérée, fausse. Et justement parce qu’on présente à quelqu’un, non la simple vérité, mais l’exagération de la vérité, c’est cette exagération qui le frappe et qui l’y attache. Il se trouve gagné à la vérité par quelque chose qui est tout différent d’elle et qu’elle désavoue, par quelque chose qu’il sera obligé lui-même de désavouer plus tard et de rectifier. Il le rectifiera