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voyait jamais que sa volonté, quelle qu’elle fût, et ne souffrait point qu’on en eût une autre. Lorsque plus tard leur mésintelligence éclata au dehors, il ne désignait plus son beau-père que par le sobriquet de Galate furieux, rejetant sur les défauts de ce caractère, qu’il savait irriter à propos, tout ce qu’il préparait fatalement lui-même dans le secret de ses desseins.

Les difficultés de toute sorte qui, pour un œil aussi exercé que celui d’Anthémius, durent se révéler dès son arrivée à Ravenne, concoururent à l’y retenir et à retarder son départ pour Rome; mais, contraint de céder aux appels réitérés du sénat et du peuple, à l’impatience de l’Italie, enfin à la nécessité de prendre un parti, il se mit en route avant que la peste eût cessé complètement de sévir. Rome l’accueillit comme un sauveur. Sa promotion au rang d’auguste eut lieu vers le commencement d’août, dans la plaine de Bontrote, à trois milles de la ville, au milieu d’un concours immense de peuple qui saluait de ses acclamations l’aurore du nouveau principat. L’empressement affectueux dont il se vit l’objet dissipa dans l’esprit d’Anthémius les inquiétudes du père en même temps que les préoccupations de l’empereur; il ne songea plus qu’à poursuivre sa fortune jusqu’au bout, et la cérémonie des noces succéda bientôt à celle de l’intronisation. Sidoine Apollinaire arriva comme les fêtes du mariage commençaient. « Me voici en plein, écrivait-il à son ami Héronius, dans les noces du patrice Ricimer, qui épouse la fille de notre prince toujours auguste, espérance donnée à la sécurité publique. Tu penses bien qu’au milieu de cette joie de chacun et de tout le monde, des ordres, des classes, des individus, ton Transalpin a préféré se cacher, et tandis qu’il trace pour toi ces lignes, il entend au loin l’écho des vers fescennins qui font retentir de leur chant les théâtres, les marchés, les prétoires, les places, les temples, les gymnases. Comme pour contraster avec tout ce fracas, les études se taisent, les affaires se reposent, les juges sont muets, les audiences des légations sont renvoyées indéfiniment; il n’y a plus de brigue d’aucune sorte, et les affaires sérieuses n’ont plus qu’à se promener parmi les bouffonneries des histrions. Déjà la vierge a été livrée par son père; l’époux a pris sa couronne, le consulaire sa robe palmée, les compagnes de l’épouse la cyclade d’usage[1]; le sénateur se pavane sous sa toge, et le plébéien dépouille la vile casaque pour revêtir l’habit de fête. Néanmoins toute la pompe des noces n’a point fait explosion, car l’épousée doit encore passer de la maison du père dans celle du mari. Quand la fête sera terminée, je te tiendrai au cou-

  1. « Jam cyclade pronuba, jam toga senator honoratur. » Sidon. Apoll., Epist. I, 5 ad fin. — La cyclade était une robe arrondie par le bas et garnie d’un galon de pourpre : c’était le vêtement des matrones qui assistaient l’épousée le jour des noces.