d’une bonne récolte : voilà pourquoi je te désire. N’as-tu pas honte de n’avoir aperçu qu’une fois dans ta jeunesse Rome, le domicile des lois, le gymnase des lettres, le centre des dignités, la tête du monde, la patrie de la liberté, — Rome, notre ville à tous, et la seule dans l’univers qui ne tienne pour étrangers que les Barbares et les esclaves? » Les aiguillons du poète tirèrent le philosophe de sa solitude : il vint à Rome, oublia Plotin, s’enrôla, comme disait son ami, dans la milice palatine, devint fonctionnaire, et donna un bon et sage préfet au prétoire des Gaules. Quant à Sidoine, sorti de charge à l’expiration de l’année 468, il reçut d’Anthémius le titre de patrice, titre simplement honorifique dans ce cas, mais qui était pour un Romain de ce temps le couronnement de toutes les dignités.
Cette même année 468 vit naître en Gaule une affaire très-grave, étrangère à Sidoine, mais à laquelle il vint se mêler fort inconsidérément. Cette grande préfecture avait à sa tête en ce moment un Gaulois nommé Arvandus, qui l’avait administrée déjà une première fois pendant quatre années[1] avec une sorte de popularité, et que Ricimer avait replacé sur son siège lors du dernier interrègne, soit pour être agréable à la province, soit pour se délivrer de toute inquiétude à cet égard, pensant avoir fait choix d’un homme habile et expérimenté. Une telle faveur mit le comble à la présomption, déjà fort grande, d’Arvandus; il se crut un de ces personnages avec lesquels les gouvernemens sont obligés de compter dans les temps difficiles, et il afficha très haut son importance. C’était un homme d’une légèreté incroyable, facile dans ses relations, mais sans sûreté, prodigue de paroles qu’il se souciait peu de tenir et d’un argent qui ne lui appartenait pas, du reste infatué de lui-même et traitant avec un hautain mépris les conseillers et les conseils. Déjà criblé de dettes pendant sa première préfecture, il s’abîma tout à fait dans celle-ci, ne s’épargnant aucune folle dépense. Bientôt une armée de créanciers fondit sur lui, le harcelant sans relâche et mettant pour ainsi dire le prétoire des Gaules en état de blocus. Le préfet chercha d’abord à les apaiser au moyen de quelques détournemens de deniers; puis, les dépenses continuant, les exactions se multiplièrent et s’étendirent à tout. Arvandus comptait sur la préoccupation actuelle des esprits et sur les catastrophes à venir pour dérober aux yeux ses méfaits, ou leur assurer l’impunité. Le scandale de ses dilapidations devint bientôt si criant, qu’au défaut de l’autorité centrale les notables de la province commencèrent à se consulter pour dresser contre Arvandus une accusation de péculat. Sur ces entrefaites, le gouvernement ro-
- ↑ Au moment de son procès, Arvandus avait été préfet cinq ans en cumulant ses deux préfectures. « Privilegiis geminæ præfecturæ quam per quinquennium repetitis fascibus rexerat, exauguratus. » Sid. Apoll. Epist. I. 7.