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vernement central, à la demande des notables habitans, eût accordé une session extraordinaire, le conseil des sept provinces se réunit dans la métropole d’Arles, à l’effet d’examiner la conduite d’Arvandus. Les faits de péculat étaient patens, nombreux, ses accusateurs avaient les mains pleines de pièces d’une évidence irrécusable : Arvandus fut donc décrété d’accusation par un vote unanime; mais l’étonnement fut grand lorsque quelques membres du conseil produisirent la lettre interceptée, où chacun put reconnaître par ses yeux l’écriture du secrétaire du préfet. On s’écria de toutes parts qu’il y avait là trahison infâme et crime de lèse-majesté, et que ce second chef d’accusation devait être joint au premier. On fit venir le secrétaire, qui confessa sans hésiter que la lettre avait été écrite de sa main, mais sous la dictée de son maître. Aussitôt un décret de double accusation fut rendu pour crime de péculat et crime de lèse-majesté; mais on s’engagea par serment à garder le silence sur le second grief dans la crainte qu’Arvandus, se voyant découvert, ne se sauvât chez les Visigoths : le même silence fut imposé au secrétaire sous les menaces les plus terribles. Cela fait, on nomma, pour porter le décret à Rome et soutenir l’accusation devant les juges, trois citoyens notables entre tous, Tonantius Ferréolus, de Lyon, ancien préfet du prétoire des Gaules, l’Arverne Thaumastus, de la famille Avita et parent de Sidoine Apollinaire, et Pétronius, d’Arles, qui passait pour un jurisconsulte consommé. Arvandus, qui crut jusqu’au bout qu’il ne s’agissait que d’une action de péculat, qui pensait d’ailleurs s’être mis à couvert de toutes les preuves, manifestait à peine quelques inquiétudes, quand il se vit arrêter et embarquer pour l’Italie sous la garde de ses propres soldats.

Le préfet des Gaules, tant sa légèreté était grande, ne réfléchit pas un seul moment sur sa situation. Tout le long de la route, on l’entendit plaisanter sur lui-même et sur ses accusateurs, et la traversée, très souvent orageuse des bouches du Rhône aux côtes de la Toscane, s’étant passée sans accident, il répétait à tout propos : « Doutez-vous maintenant de mon innocence, quand vous voyez les élémens s’apaiser en ma faveur et m’obéir comme des esclaves? » A son entrée dans Rome, on le remit à la garde de Flavius Asellus, comte des largesses sacrées, et, en considération de sa dignité, le Capitule lui fut assigné pour prison. Il attendit là fort doucement et en pleine quiétude d’esprit que les députés gaulois arrivassent à leur tour dans la métropole impériale : ils ne tardèrent pas beaucoup, et après les visites et les préliminaires d’usage le procès s’instruisit devant un tribunal de dix membres, chargé alors de connaître des accusations capitales contre les sénateurs.

C’était dans les premiers mois de l’année 469, et Sidoine, sorti de