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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/852

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à couronner roi, king-partner, si l’on veut, son fils. Relisez le passage, et dites s’il ne s’agit pas d’une cérémonie du temps. Toutes les troupes sont sous les armes, chacun à son rang, « portant blasonnés sur leurs étendards des actes de zèle et de fidélité, » sans doute la prise d’un vaisseau hollandais, la défaite des Espagnols aux Dunes. Le roi présente son fils, « l’oint, » le déclare « son vice-gérant. » « Que tous les genoux plient devant lui; quiconque lui désobéit me désobéit, » et ce jour-là même est chassé du palais. — «Tout le monde parut satisfait, mais tout le monde ne l’était pas. » Néanmoins « ils passèrent le jour en chants, en danses, puis de la danse passèrent à un doux repas. » Milton décrit les tables, les mets, le vin, les coupes. C’est une fête populaire; je regrette de n’y point trouver les feux de joie, les cloches qui sonnent comme à Londres, et j’imagine qu’on y but à la santé du nouveau roi. Là-dessus Satan fait défection; il emmène ses troupes à l’autre bout du pays, comme Lambert ou Monk, « dans les quartiers du nord, » probablement en Écosse, traversant des régions bien administrées, « des empires avec leurs shérifs et leurs lords lieutenans. » Le ciel est divisé comme une bonne carte de géographie. Satan disserte devant ses officiers contre la royauté, lutte dans un tournoi de harangues contre Abdiel, bon royaliste qui réfute « ses argumens blasphématoires, » et s’en va rejoindre son prince à Oxford. Bien armé, il se met en marche avec ses piquiers et ses artilleurs pour attaquer la place forte de Dieu. Les deux partis se taillent à coups d’épée, se jettent par terre à coups de canon, s’assomment de raisonnemens politiques. Ces tristes anges ont l’esprit aussi discipliné que les membres; ils ont passé leur jeunesse à l’école du syllogisme et à l’école de peloton. Satan a des paroles de prédicant : «Dieu a failli, dit-il; donc, quoique nous l’ayons jusqu’ici jugé omniscient, il n’est pas infaillible dans la connaissance de l’avenir. » Il a des paroles de caporal instructeur : « Avant-garde, ouvrez votre front à droite et à gauche ! » Il fait des calembours aussi lourds que ceux d’un Harrison, ancien boucher devenu officier. Quel ciel! Il y a de quoi dégoûter du paradis; autant vaudrait entrer dans le corps des laquais de Charles Ier ou dans le corps des cuirassiers de Cromwell. On y trouve des ordres du jour, une hiérarchie, une soumission exacte, des corvées[1], des disputes, des cérémonies réglées, des prosternemens, une étiquette, des armes fourbies, des arsenaux, des dépôts de chariots et de munitions. Était-ce la peine de quitter la terre pour retrouver là-haut la charronnerie, la maçonnerie, l’artillerie, le manuel administratif, l’art de saluer, et l’almanach royal? Sont-ce là «les choses

  1. Par exemple celle de Raphaël aux portes de l’enfer. Il s’ennuya fort, et fut «très joyeux » de revenir au ciel.