par la colonne expéditionnaire du siège de Zaatcha, sous le commandement du colonel Canrobert. Un mois d’efforts et de fatigues suffit pour y assurer le succès complet de nos armes.
Cependant les plus fâcheuses nouvelles arrivaient du côté de l’est : la guerre sainte s’y allumait sous l’inspiration de chefs fanatiques, la ville de Narah en était le foyer. Les Ziban, à peine soumis et encore frémissans, suspendaient le paiement des contributions que la victoire leur avait imposées. Pour arrêter les progrès de l’incendie, il fallait l’étouffer au plus vite en s’engageant dans l’Aurès. Cette tâche revenait à une partie des troupes qui, depuis cinq mois, n’avaient cessé de combattre. Après un seul jour de repos à Batna, elles se remirent en marche.
Le pays où on allait opérer, situé au sud-est de la province de Constantine, vers la frontière de Tunis, contraste singulièrement, par sa nature et par son aspect, avec le désert, auquel il confine. Il comprend deux longues vallées étroites qu’entourent de hautes montagnes : ce sont les vallées de l’Oued-Abdi et de l’Oued-Abiad[1], dont les eaux, prenant leur source aux mêmes lieux, coulent du nord au sud presque parallèlement, et vont se perdre ensemble dans le Sahara. Cette contrée fertile et pittoresque est occupée par de grandes tribus kabyles qui habitent de gros villages entourés de jardins où se cultivent tous les produits des pays méridionaux. Ces tribus font aussi le commerce de haïks et de riches tapis qui se fabriquent dans leurs villes, et Narah, que nous devions attaquer, était le représentant de cette richesse agricole et industrielle, en même temps que le centre de la résistance qui s’organisait contre nous.
Rien n’est plus favorable à la guerre défensive que le terrain découpé, accidenté, qui s’étend dans ce long espace formé par les deux vallées. L’ennemi, hors de la portée de nos armes, y prépare secrètement et sûrement ses moyens d’action. Attaché au sol généreux qui lui donne en abondance tous les fruits dont il a besoin, sans communication avec le dehors, ne nous voyant que de loin et jugeant mal nos forces, doublement protégé par la distance et par des murailles infranchissables, il s’y croit à l’abri et compte sur l’impunité.
Cette situation des habitans de l’Aurès, comme de toutes les populations des montagnes de l’Algérie, leur a presque constamment assuré une sorte d’indépendance, aussi bien sous la conquête romaine que sous la domination turque. Les Romains n’avaient fait que les cerner dans une ceinture de postes fortifiés dont on retrouve
- ↑ Oued, rivière, cours d’eau.