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longeait les pentes nord de l’Aurès et allait s’installer à Krenchla, d’où elle réglait ses affaires.

Il fallut bien du temps à la conquête française pour en venir là et reprendre dans ces contrées lointaines le rôle, même incomplet, l’autorité, si souvent méconnue, de la domination turque. Après la prise de Constantine en 1836, le bey Ahmet y trouva un refuge, et de là il ne cessa de nous susciter les plus dangereux ennemis. Il y resta en sûreté, mais sans repos, jusqu’au moment (1848) où il fut pris, avec sa petite armée et sa smala, par le colonel Canrobert dans la vallée de l’Oued-Abiad.

Ce n’est qu’à partir de 1843 que les rapports des Français avec les populations de l’Aurès avaient pris un caractère suivi et officiel. Au commencement de cette année, le gouverneur de Constantine, le général Baraguey d’Hilliers, donna pour la première fois l’investiture au scheik El-Arbi-ben-Boudiaf, ainsi qu’à quatre autres chefs des Ouled-Abiad. En recevant le burnous, ils s’engageaient à nous fournir des troupes au besoin. Ben-Boudiaf mettait 300 cavaliers à notre disposition, et s’obligeait à recouvrer pour 30,000 francs de contributions.

Lorsqu’en 1844 la prise de Biskara par M. Le duc d’Aumale nous eut assuré la possession de tout le désert de la province de Constantine, le dernier kalifat d’Abd-el-Kader dans les Ziban, Mahomed-Seghrir, chercha aussi un asile dans les gorges de l’Aurès. Avec des forces déjà réduites par la désertion, mais pourtant encore nombreuses, il était venu y prêcher la guerre sainte après avoir prudemment caché une partie de ses richesses à Mechounèche, au débouché de la vallée de l’Oued-Abiad, dans le Sahara. C’est là qu’eut lieu une des affaires de guerre les plus glorieuses de notre armée d’Afrique, dans laquelle le capitaine Espinasse, atteint de quatre coups de feu, fut sauvé par M. Le duc d’Aumale, qui vint bravement à son secours avec son frère, M. Le duc de Montpensier, blessé à ses côtés. Après l’affaire de Mechounèche, deux des principales tribus de l’Aurès renoncèrent à la lutte, mais leur exemple ne fut pas suivi : le reste du pays s’agita bientôt, soulevé par les nouvelles intrigues d’Ahmet, l’ex-bey de Constantine, et du kalifat Mahomed-Seghrir, battus et jamais découragés. Ils vinrent tous deux, au commencement de mai, attaquer le camp français, pendant que M. Le duc d’Aumale était occupé chez les Ouled-Sultan. Le jeune prince était sur ses gardes, il réunit tout de suite sa cavalerie, la porta en avant par un mouvement rapide, et, la faisant suivre de son infanterie, arriva sur l’ennemi sans lui laisser le temps de se reconnaître, et l’obligea de nouveau à se soumettre. Toutefois, en recevant les gages d’obéissance forcée des montagnards de l’Aurès, le prince écrivait à la date