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LES SEIGNEURS
D’AKSAKOVA
CHRONIQUE D’UNE FAMILLE RUSSE SOUS CATHERINE II

Seméinaia Khronika i Vospominania (Chronique et Souvenirs), par M. Aksakof, Moscou 1856.



On peut distinguer deux périodes dans le laborieux travail qu’accomplit depuis deux siècles sur elle-même la société russe, pour concilier son antique génie avec les exigences de la civilisation moderne. Durant la première période, qui s’étend de Pierre le Grand à Catherine II, le mouvement réformateur garde un caractère purement gouvernemental en quelque sorte; il se concentre dans ce qu’on pourrait appeler la Russie officielle, et c’est l’influence occidentale qu’on s’applique presque exclusivement à faire triompher. Avec notre siècle commence la seconde période, qui se continue encore : les Russes portent alors leur attention, non plus seulement sur l’Europe, mais sur eux-mêmes, sur les ressources ou sur les obstacles qu’oppose l’esprit national à tous ceux qui veulent sincèrement le progrès moral et intellectuel de la Russie. Cette fois le gouvernement n’est plus seul préoccupé de l’œuvre réformatrice, il est secondé par la société tout entière. Qu’est-ce donc, se demande-t-on, que cette vieille Russie, à laquelle Pierre et Catherine voulaient substituer brusquement une Russie nouvelle? N’y aurait-il point là des forces morales, des traditions puissantes qu’on a trop dédaignées? Il n’est certes pas sans intérêt de le savoir. Si l’on ne trouve dans la vieille Russie que barbarie et ignorance, ceux qui voulaient rompre complètement avec