ET
LE DANEMARK
On appelle scandinavisme ce sentiment de la fraternité commune
né, il y a une trentaine d’années à peine, chez les trois peuples du
nord scandinave, fondé sur des souvenirs et des intérêts identiques,
et qui, s’étant peu à peu transformé en idée précise et en dessein
pratique, a désormais une histoire. Écrire cette histoire n’est pas
un travail facile, puisqu’il s’agit de saisir à sa naissance une pensée
d’abord fugitive, un sentiment d’abord vague et indécis, d’en suivre
le progrès et la diffusion à l’aide de symptômes quelquefois trompeurs, de délimiter enfin avec exactitude les différentes périodes de
son développement, de telle sorte que nous sachions précisément
quand et de quelle manière le sentiment est devenu idée, quand et
comment l’idée est devenue espérance. Aujourd’hui d’ailleurs la
question du scandinavisme est introduite dans le domaine politique,
et la récente circulaire de M. de Scheele, le chef du dernier cabinet
danois, dénonce les tendances scandinaves en termes pleins d’amertume. Qu’importent cependant ces alarmes et ces défiances soulevées
par le scandinavisme ? Elles ne font que mieux comprendre la nécessité de rechercher l’histoire, d’examiner et de peser le caractère présent, les conséquences possibles d’un mouvement devenu très général
et en possession désormais de fixer l’attention des politiques. Il n’est
pas, après tout, d’étude plus digne de toutes les sympathies du
publiciste ou même de l’homme d’état que celle qui consiste à rechercher dans la vie morale des peuples l’augure ou le commentaire