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quable par un riche travail des violons. De nombreux fragmens d’un chef-d’œuvre de Mozart, l’Enlèvement au sérail, ont rempli le reste du programme. M. Bataille a chanté d’une manière remarquable l’air bouffe d’Osmin, dont les paroles ont été très-bien appropriées à la musique du maître par un jeune compositeur distingué, M. P. Pascal, qui se cache sous le pseudonyme de Hirt. Ces fragmens d’un opéra de Mozart peu connu du public français ont produit le meilleur effet. Au second concert, nous avons particulièrement remarqué un quintette pour flûte et instrumens à corde, de Mozart, et l’introduction de Moïse, de Rossini. La quatrième séance avait attiré un grand nombre d’artistes curieux d’entendre la symphonie en mi-bémol de Robert Schumann, dont les compositions sont peu connues à Paris, et nous devons dire que l’essai n’a pas été très heureux pour ce rival de Mendelssohn, qui jouit en Allemagne d’une réputation considérable. L’instrumentation de M. R. M. Schumann, touffue comme celle de Mendelssohn, se rapproche par les défauts des mauvaises tendances de la troisième manière de Beethoven. On voit que M. Schumann se donne une peine incroyable pour paraître profond et original. Après beaucoup d’efforts, il n’arrive qu’à la confusion et à la bizarrerie. Quelle différence, bon Dieu! de cette œuvre pénible de M. Schumann avec l’andante et le finale d’une symphonie d’Haydn qu’on a exécutés immédiatement après! Au sixième et dernier concert, qui a eu lieu le 15 février, la Société des Jeunes Artistes a exécuté la seconde symphonie de M. Camille Saint-Saens, jeune compositeur français, élève de M. Malden, qui donne les plus grandes espérances. Cette composition, remarquable surtout comme facture, a produit le plus grand effet. Le finale, qui en est la partie la plus saillante, est une œuvre de maître qui rappelle beaucoup la manière de Mendelssohn par la richesse des développemens et la fermeté du style. Il serait digne de la Société des Concerts de placer sur l’un de ses programmes le finale de la seconde symphonie de M. Saint-Saens, qui, à notre avis, est le meilleur morceau de musique symphonique qui ait été écrit par un Français, sans aucune exception.

A côté de la Société des Concerts et de celle des Jeunes-Artistes, qui exécutent les grandes compositions de la musique instrumentale, se sont groupées un grand nombre de sociétés qui se consacrent à la vulgarisation de la musique dite de chambre. La première de toutes ces réunions d’artistes éminens est celle de MM. Alard et Franchomme, qui tient ses séances dans la salle de M. Pleyel. Fondée depuis une dizaine d’années, cette société d’élite attire à ses matinées tout ce que Paris compte d’amateurs délicats. A la cinquième séance, qui a eu lieu le 27 mars, nous avons entendu le troisième quatuor en mi bémol pour piano, violon, alto et basse, de Mozart, dont l’andante est quelque chose de vraiment exquis, — le deuxième quatuor en sol de Beethoven, la sonate en fa (opéra 17e), pour piano et violoncelle, de Beethoven, qui a été exécutée avec un fini admirable par MM. Francis Planté pour la partie de piano et René Franchomme, fils de l’éminent professeur du Conservatoire, enfin le quintette en ré de Mozart, c’est-à-dire une merveille de sentiment et d’inspiration divine.

La société fondée par MM. Maurin et Chevillard pour l’exécution des derniers quatuors de Beethoven continue également d’attirer à ses séances un grand nombre de fidèles. Ces artistes, aussi courageux qu’intelligens.