vivra-t-il à la génération maladive dont il a chanté les rêves incompris? Quand la tradition de cette musique de sylphes, de ce gazouillement d’oiseau, don on ne peut saisir nettement ni le rhythme ni la tonalité, sera perdue, qui donc en conservera l’essence, et quel poète virtuose en pourra évoquer les ombres fugitives? MM. Krüger, pianiste bien connu, Alfred Mutel, Kletzer, violoncelliste hongrois; Braga, violoncelliste italien; Théodore Ritter, pianiste au jeu fruste; Norblin, violoncelliste de mérite; Hammer, Cimino, chanteur qui doit aux bons conseils de M. Panofka ses meilleurs succès; Hassenhut, beaucoup d’autres encore, ont également fait appel à leur clientèle, qui ne leur a pas fait défaut. A la matinée donnée par M. Hassenhut le 7 avril, dans les salons de la maison Pleyel, nous avons entendu une jolie et charmante personne, Mlle Aurélie Mareschal, qui a chanté avec goût une romance inconnue de Mozart et l’air des Nozze di Figaro : Non so più, cosa son, cosa faccio. — N’oublions ni le concert donné par M. Cuvillon, professeur distingué, ni celui de M. A. Bessems, où nous avons remarqué une sonate, pour piano et violon, de M. de Vaucorbeil, esprit cultivé, musicien nourri de bons exemples, dont le début tardif mérite d’être encouragé. Le larghetto et le menuetto de sa sonate, qui rappelle heureusement la manière de Mozart, en sont les parties saillantes : elle a été fort bien exécutée par Mlle Bleymann, une de ces femmes modestes qui répandent dans le monde le goût de la bonne et grande musique, dont elle possède, aussi bien que M. Bessems, la tradition. Enfin M. Rosenhain, compositeur et pianiste du plus grand mérite, qu’on entend trop rarement en public, a dirigé le concert donné au bénéfice d’une société de bienfaisance pour les pauvres allemands. Il a exécuté lui-même un trio, pour piano, violon et violoncelle, de sa composition, qui renferme de bonnes parties. Puis est venu M. Delsarte, qui a fait entendre tout récemment dans la salle de M. Herz différens morceaux de musique ancienne qui font partie des Archives du Chant, publication intéressante dont M. Delsarte a conçu l’idée, et qui offre un répertoire des meilleurs fragmens de l’école française.
En dehors des sociétés musicales régulièrement instituées, en dehors des nombreux concerts publics dont nous venons de parler, il existe encore à Paris quantité de maisons et de réunions privées où la musique, et particulièrement la musique instrumentale, est cultivée avec un goût persévérant et passionné. Introduit cet. hiver dans l’un de ces sanctuaires de bonne compagnie où l’art et la science sont dignement représentés, nous avons eu l’occasion d’entendre plusieurs compositions d’un jeune musicien, M. A. Blanc, qui ont produit sur nous la plus vive et la plus agréable impression. M. Blanc fait partie de la société des quatuors de MM. Alard et Franchomme, où il joue le second violon; il s’est familiarisé sans doute avec les chefs-d’œuvre de Haydn, de Mozart, de Beethoven et même de Boccherini, ce Cimarosa de la musique instrumentale, dont M. Blanc reproduit parfois la grâce mélodique. Un quintette pour instrumens à cordes, un trio pour violon, alto et violoncelle, un autre trio pour piano, violon et violoncelle, de la composition de M. Blanc, nous ont paru des œuvres d’un mérite incontestable, qui rappellent la manière des grands maîtres, sans imitation servile. Beaucoup de naturel, des idées nettes et charmantes, de la grâce,