actuelle dans la Moldavie, — pourquoi ne pas le nommer ? — le caïmacan lui-même, le prince Vogoridès, aurait offert à la France de travailler à l’union des principautés, si on voulait lui assurer l’hospodarat. La France aurait répondu, toujours d’après les mêmes versions, qu’elle n’avait pas à décider seule, et en ce moment, de telles questions, que chacun devait rester dans son rôle, elle en surveillant la stricte exécution du traité de Paris, les autorités moldaves en présidant loyalement à la manifestation des vœux du pays. C’est cette conduite parfaitement nette qui a rallié sans nul doute à la France les cabinets de Saint-Pétersbourg, de Berlin et de Turin. Qu’ont fait de leur côté les adversaires de l’union ? Ils n’ont eu qu’une pensée, violente, intense, celle d’empêcher à tout prix l’émission d’un vœu qui leur fût contraire. La Turquie a eu une politique ostensible d’impartialité et une politique secrète d’encouragement à tous les excès. L’Autriche, par ses agens, par son influence, a secondé ce système d’altération de l’opinion dans les principautés. Elle a pris sous sa protection tous les hommes les plus déconsidérés ; elle a ouvertement affiché la prétention de faire reculer l’idée de la réunion, quand même cette idée arriverait à se formuler légalement. Qui sait même si, pour remonter les courages, on n’a point dit que l’Autriche au besoin ferait la guerre pour empêcher la fusion des deux principautés ? Nous ne méconnaissons pas les intérêts graves qui sont en jeu pour l’Autriche et le droit qu’elle a de professer une politique ; mais ceux qui parlent ainsi en son nom sont assurément des amis dangereux, connaissant peu le caractère de cette puissance, qui s’est montrée trop prudente dans la dernière guerre pour tenter légèrement les aventures.
Il résulte évidemment de tout ceci que, dans la politique respectivement suivie par les diverses puissances, c’est la France qui a été et qui est encore fidèle à l’esprit du traité de Paris ; ce sont d’autres cabinets qui tiennent peu de compte de ce traité en prêtant leur appui à tout ce qui peut dénaturer l’expression vraie de l’opinion des populations. Maintenant quel sera l’effet du dernier acte de la conférence de Constantinople ? Ce serait sans doute montrer une extrême confiance que de croire absolument à son efficacité. La France aurait pu aller plus loin peut-être et demander la révocation du caïmacan de Moldavie : elle n’aurait pas vraisemblablement remporté une grande victoire, parce que le successeur de M. Vogoridès n’eût pas suivi, selon toute apparence, une politique différente, tout comme M. Vogoridès, en arrivant au pouvoir, n’a fait que continuer les traditions de son prédécesseur, M. Baltche ; mais en présence du traité de Paris et de la résolution récente de la conférence de Constantinople, la France a désormais à demander compte de ce qui surviendra, moins au prince Vogoridès, agent provisoire et toujours révocable, qu’à Rechid-Pacha lui-même, sur qui doit peser la plus sérieuse responsabilité. Nous ne savons ce que l’Angleterre pense au fond de ces événemens, qui n’apparaissent aux yeux de l’Europe que sous un aspect assez confus. Après tout, lorsque le congrès s’ouvrira à Paris pour trancher ces questions, il est difficile d’admettre que le gouvernement d’un peuple libre puisse sanctionner des actes comme ceux qui se sont accomplis en Moldavie, et dont les cabinets pourront sans doute produire des témoignages aussi faciles à trouver et aussi malheureusement indubitables qu’ils peuvent paraître étranges.