Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/369

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

France jusqu’à Cherbourg, en Espagne jusque vers Grenade, dans toute l’Algérie et la régence de Tunis, et dans une assez grande partie de l’Asie-Mineure. Le 10 avril, par conséquent cinq jours après le commencement de l’éruption, dans un golfe voisin, l’air étant parfaitement calme, la mer fut remuée et soulevée pendant trois minutes à 12 pieds plus haut qu’au moment des plus puissantes marées. Le même jour, une trombe de vent exerça pendant une heure, près du Temboro, les plus terribles ravages, et emporta sur son passage les hommes, les arbres, et jusqu’à des maisons.

Les éruptions ordinaires de Java ne sont que des miniatures, lorsqu’on les compare à ce terrible événement. L’influence destructive des débris incandescens ne s’étend généralement guère à plus de 500 mètres au-dessous du sommet des volcans. Les plus actifs même, tels que le Gédé, le Slamat, le Lamongan, le Merapi, le Sêméru, sont entourés sur leurs pentes d’une ceinture de forêts épaisses ; la cime seule est chauve et aride. Toutefois l’intérêt des éruptions volcaniques ne doit pas se mesurer seulement par le degré d’intensité, et parmi les plus faibles il y en a qui, par certains caractères, méritent d’attirer l’attention.

En continuant à suivre l’ordre chronologique, la principale éruption qu’on doive mentionner est celle du Gelung-Gung, qui ne remonte qu’à 1822 : M. Junghuhn a recueilli des détails très circonstanciés sur cet événement. Ce volcan est situé près de la chaîne qui occupe la partie occidentale de l’île : il était complètement éteint avant 1822, et les Javanais ne soupçonnaient même point la nature volcanique de la montagne. L’ancien cratère formait un cirque enfermé entre des hauteurs : le torrent qui en sortait prit au mois de juin 1822 une apparence laiteuse ; l’eau en devint astringente et se chargea d’alumine. À une heure après midi, l’éruption commença par une détonation qu’on entendit au même instant dans tout Java. Réveillés en sursaut du sommeil auquel ils se livrent chaque jour à ce moment où la chaleur est accablante, les habitans les plus voisins du volcan virent monter dans les airs, avec une vitesse prodigieuse, une immense colonne de fumée noire, sillonnée par les lignes obliques de quelques éclairs. En peu d’instans, le jour se changea en une nuit épaisse, et quelques milliers d’hommes périrent sous la pluie volcanique qui retombait autour du cratère. En même temps, des torrens d’eau chaude mêlés avec de la boue et des fragmens de roches descendirent du volcan et convertirent en quelques minutes les villages, les forêts, les champs de riz, situés au pied de la montagne, en un lac fumant où surnageaient les arbres, les cadavres et les débris. Ces torrens brisèrent tous les ponts et allèrent très loin produire de grandes inondations, qui causèrent