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au tribunal suprême faisant fonction de conseil d’état, et l’on sait que plusieurs des concessions octroyées par le roi en furent obstinément retranchées. Le premier projet n’avait pas cru devoir déterminer l’âge où il était permis à un Suédois né luthérien de se séparer de la religion de l’état ; le projet aggravé par le tribunal suprême interdisait aux membres de l’église suédoise d’embrasser une autre profession de foi avant l’âge de dix-huit ans. On comprend toute la gravité de cette interdiction ; il est vrai que, dans le projet du roi aussi bien que dans celui du tribunal, les parens convertis à une autre église n’avaient plus la direction religieuse de leurs enfans nés dans l’église suédoise ; mais, quoique privés de cette direction religieuse, c’est-à-dire du plus sacré des droits, le père et la mère n’étaient pas absolument séparés de la jeune âme qui leur devait la vie : il leur restait toujours l’influence du sang, la vertu de la famille, le muet enseignement de l’exemple, et l’espérance de voir venir volontairement à eux ce disciple que leur disputait la loi. Le second projet leur enlevait même cette espérance ; jusqu’à l’âge de dix-huit ans, l’enfant n’avait plus le droit de dire : Je veux prier Dieu comme le prient mon père et ma mère. Malgré cette disposition odieuse, le projet de loi était encore un progrès manifeste sur la législation de Charles XI et les différentes ordonnances qui l’ont complétée pendant le cours du XVIIIe siècle. Ainsi le prosélytisme n’était puni que dans le cas où il employait des moyens insidieux, des menaces ou des promesses d’avantages temporels ; les parens convertis, quoique dépouillés du sacerdoce de la famille, n’étaient plus passibles de peines pour avoir entretenu les enfans de matières religieuses ; l’inquisition épiscopale était écartée du foyer domestique ; enfin la confiscation des biens, le bannissement, la perte absolue du droit de succéder, toute cette pénalité barbare avait disparu de la loi. Assurément ce n’était pas là, comme le prétendait le titre du projet, une liberté de religion plus étendue, c’était seulement une tyrannie religieuse moins oppressive, et les journaux allemands ne disaient que la vérité, lorsque, racontant ces affaires de Suède, ils les annonçaient en ces termes : « Débats dans la diète de Stockholm sur la prétendue liberté de conscience. »

Ces concessions, si insuffisantes qu’elles fussent, soulevèrent une violente opposition dans le clergé luthérien et les populations des campagnes ; Depuis le jour où ce projet est sorti des mains du tribunal suprême jusqu’à l’époque où il a été discuté devant la diète, du mois de juin au mois d’octobre, cette agitation a été sans cesse croissant. Le clergé, par ses manifestes, réveillait le fanatisme des anciens âges. À Lund, il fit circuler une proclamation véhémente qui se terminait par cette question : « Faut-il que la peine du bannissement soit abolie pour ceux qui abandonneront l’église suédoise ? » Sur cent trente-six réponses qui furent faites à cette demande, trois seulement furent favorables à la liberté ; cent trente voix répondirent sans hésiter : « Le bannissement doit être maintenu. » Enfin, quand un comité fut formé dans le sein de la diète pour faire un rapport sur la proposition royale, l’ardeur