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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/403

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ne devait pas se transformer, s’épurer, de siècle en siècle, dans la conscience de l’homme, suivant cette parole de saint Augustin : Crescat ergo, perfectus semper, crescat Deus in te ! Je ne discute pas avec cette école ; si le christianisme pouvait être enfermé à jamais dans la nécropole des âges évanouis, ce serait elle qui scellerait le sépulcre. Je ne discute pas avec elle, je dis seulement qu’elle fournit des armes terribles à l’intolérance du clergé suédois. Une seule page tracée par de telles plumes, une seule page publiquement lue à la diète de Stockholm suffit pour effacer le magnifique langage du pasteur Fryxell et ranimer des préjugés séculaires. M. Fryxell combattait pour les catholiques ; des catholiques ont brisé ses armes. Que le vénérable chef de la petite communauté catholique de Stockholm sache enfin où sont ses ennemis. Les préjugés étaient battus en brèche, l’esprit public s’éclairait de jour en jour ; les théoriciens du despotisme religieux ont ranimé les défiances. « Voilà les hommes, a-t-on dit, qui frappent à vos portes ! Déjà ils envahissent l’Angleterre et ils agitent l’Allemagne ; la Suède seule échappe encore à leur action ; défendons-nous. L’église suédoise est le dernier refuge du protestantisme. » C’est ainsi qu’une œuvre d’intolérance a été pour beaucoup d’esprits une œuvre nationale.

Voilà l’excuse de la diète de Stockholm. Hâtons-nous de dire cependant que ces argumens ne sont dignes ni de la Suède ni du protestantisme. Il y a déjà plusieurs années que la jeune école hégélienne est en déroute ; une philosophie meilleure a pris sa place, et la théologie elle-même, ranimée par cette crise, a retrouvé pour combattre l’ennemi des ressources inattendues. Quant aux prétentions de la presse théocratique à Paris, à Bruxelles ou à Turin, ces clameurs ne peuvent pas effrayer les libéraux de la Suède. L’église suédoise sera toujours forte quand elle s’appuiera sur son principe. L’honneur du protestantisme, quelque opinion qu’on ait d’ailleurs sur tel ou tel de ses dogmes, c’est de susciter dans l’âme une foi vivante et libre ; s’il prétend imposer ses formules, s’il ne respecte pas chez autrui cette liberté de conscience qu’il réclame pour lui-même, il n’a plus ni force, ni droit, ni raison d’être. Étrange façon de fortifier le protestantisme que de lui enlever son principe et sa base !

Nous avons toujours pensé que, dans la situation philosophique et religieuse du XIXe siècle, une féconde émulation devait s’établir entre les diverses communions chrétiennes. L’esprit humain ne s’arrêtera pas dans sa marche pour complaire à des âmes timides ou fatiguées ; les églises nées de la parole du Christ sont tenues d’accompagner la civilisation et de se développer avec elle. Elles peuvent le faire, elles l’ont fait déjà ; n’est-ce pas là ce qui donne au christianisme une place à part, une place vraiment divine, entre toutes les religions de la terre ? L’église de saint Louis n’est pas l’église de Constantin ; l’église de Pascal et de Bossuet n’est pas l’église de Grégoire Vil et de saint Thomas d’Aquin. Pendant toute une suite de siècles, ces transformations ont été purement instinctives ; elles doivent être désormais volontaires