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compris par le côté pittoresque, et qui rappellent, par la composition générale, l’agencement des groupes, la pureté du dessin, la simplicité des moyens employés, le grand art dont les Noces Aldobrandines ou les vases funéraires de la Grande-Grèce portent l’irrécusable empreinte. Les figurines en terre cuite qu’on a retrouvées en grand nombre, des jouets d’enfant, des ustensiles de cuisine, des natures mortes, les dessins des mosaïques qui servent de pavé aux plus humbles maisons, les lampes même et les poteries de toute sorte témoignent de ce goût pour la beauté simple, de ce sentiment distingué qui n’était pas l’apanage de quelques connaisseurs et de quelques artistes, mais se manifestait spontanément chez des populations entières, merveilleusement douées pour créer et pour apprécier des ouvrages dont la perfection n’a jamais été égalée.

À la renaissance des arts, pendant les XVe et XVIe siècles, les artistes italiens ne se préoccupèrent pas plus de la peinture de genre que ne l’avaient fait les anciens. À cette époque, nourries des grands souvenirs de l’antiquité païenne qui sortait de terre et de la poussière des bibliothèques comme par une résurrection, reprises après un long sommeil d’un amour jeune et fécond pour ces luttes de la pensée et ces arts étouffés pendant tant de siècles par l’indifférence ou l’aveugle hostilité du christianisme naissant, plus encore que sous les pieds des Barbares, exaltées par les controverses religieuses, par les luttes civiles et politiques, vivant d’une vie forte, fruit de la liberté, les populations italiennes ne créèrent que de grandes choses. L’art manifeste les goûts, les idées, les préoccupations d’un peuple et d’un temps au même titre que les institutions et les lois. Le hasard ne gouverne pas autant qu’on veut bien le dire. Il y a des choses qui n’existent pas en fait, parce qu’elles sont contre la logique, et pour ma part je ne me représente pas Wouwermans ou Metzu entre Dante, Michel-Ange et Raphaël.

C’est en Flandre que la peinture de genre prit naissance, et elle y atteignit la perfection. Les grands hommes et les nobles idées n’ont sans doute pas manqué à ce pays. Il a eu ses philosophes, ses savans, de hardis navigateurs, d’illustres citoyens ; mais je ne trouve dans ses ouvrages d’art ni la largeur ni le sentiment poétique et idéal qui distinguent ceux des époques dont j’ai parlé. À des habitudes mercantiles, sédentaires, économes, un peu vulgaires, ajoutez un mauvais climat, des hivers longs et brumeux, un pays plat et monotone, quoique non sans beauté, et vous aurez la clé de cette peinture dont la vulgarité (j’excepte, bien entendu, Rembrandt, Potter et d’autres) n’est rachetée que par l’excellence de l’exécution. Des appartemens étroits, commodes, proprets, exigeaient