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MANOELA
RECIT DES ACORES



I

À l’ouest de l’archipel des Açores, si pittoresque et si brillant de végétation, se trouvent deux petites îles pauvres et comme oubliées au milieu de l’Océan-Atlantique : on les nomme Flores et Corvo. Séparées l’une de l’autre par un étroit canal, elles semblent ne former qu’une seule terre. Les grandes vagues de la mer leur livrent constamment de rudes assauts, tandis que le vent du large s’abat avec violence sur leurs côtes découpées d’âpres rochers. Au sommet des plateaux, on aperçoit, autour des maisons couvertes de briques rouges, des champs de blé, des enclos semés de grosses fèves, et aussi des plants de vigne qui produisent un vin excellent. Dans les vallées mieux abritées croissent le figuier aux feuilles épaisses, le myrte odorant et même l’oranger, mais les fruits de ce bel arbre n’arrivent point à une parfaite maturité. Enfin l’île de Flores, mieux partagée que sa compagne, possède un charmant petit parc, planté avec goût, qui sert de retraite à tous les oiseaux que la nature a chargés d’égayer ces tristes parages. J’y ai entendu, par une chaude soirée de printemps, le merle d’Europe au bec jaune siffler joyeusement auprès de son nid.

Placées comme des sentinelles au milieu de l’Océan, les deux îles voient passer bien des navires, mais toujours à une certaine distance des côtes. Les navigateurs qui sont venus reconnaître ces terres élevées les évitent aussitôt, parce qu’elles n’offrent ni port, ni mouillage. Aussi est-ce un événement à Flores comme à Corvo lorsqu’une voile, aperçue de loin, fait mine de se diriger vers la terre. Le premier